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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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elle ne répondait pas à mes lettres !
    — Vous faisiez allusion à un violoniste. Lui aussi est décédé, une mauvaise chute dans la rue à la sortie d'un concert. Le saviez-vous ?
    Le visage livide et les lèvres pincées contemplait fixement son interlo
    — Joachim Blandin ? C'est impossible !
    — C'est pourtant vrai. Quant à l'époux de Maria, Agénor Féralès, on a déploré sa mort mercredi dernier : il a glissé dans une trappe lors d'une panne d'électricité. Vous ne lisez jamais la presse ?
    — Juste les cotations boursières. Vous êtes le messager du malheur.
    — Navré de troubler votre sérénité.
    — Tony, Joachim, Agénor... C'est une malédiction !
    — Vous connaissez Melchior Chalumeau ?
    — L'avertisseur ? Je l'ai entrevu.
    — Quelle opinion avez-vous de lui ?
    — Un vilain bonhomme. Ses penchants pour les petites danseuses n'ont rien de ragoûtant. Il est impliqué ?
    — Non. Vous aurait-on par hasard livré un cochon de pain d'épice ?
    — Ma parole, vous êtes sorcier ! En effet, avant-hier mon concierge m'a monté un paquet en contenant un. Quel rapport ?
    — Les défunts en ont été gratifiés, cela ne leur a pas porté bonheur.
    Lambert Pagès émit un soupir de soulagement.
    —Je l'ai fichu à la poubelle. Les sucreries me sont interdites, je suis diabétique. De toute façon, j'y aurais laissé mes dents, il était plus dur que du bois. Vous pensez que je suis visé ? Mais pour quel motif ? Et puis, à quel titre vous mêlez-vous de ces épisodes désastreux ? Vous êtes flic ?
    Victor lui tendit un bristol de son domicile privé.
    — La police est à l'écart de ces énigmes, du moins pour le moment. Une proche d'Olga Vologda, l'archiduchesse Maximova, m'a prié de mener une enquête discrète. Je m'intéresse aux faits insolites. Puis-je vous demandez votre adresse ?
    Lambert Pagès essuya lentement sa moustache.
    — Pardonnez-moi de me méfier, mais je préfère ne pas vous la communiquer. C'est facile, je déjeune ici du lundi au samedi. Serviteur, monsieur.
     
    Pauline Drapier remontait la sente silencieuse et déserte qui longeait le cimetière. Rien ne bougeait, la neige crissait sous ses pas. Elle s'arrêta pour vérifier que personne ne l'attendait là. Dieu merci, dans six jours elle transporterait ses pénates sur le cours de Vincennes, parmi le tapage et le remue-ménage. Chaque fois qu'elle regagnait sa roulotte, elle sentait un spasme musculaire irradier dans ses jambes. Depuis combien de temps ne dormait-elle plus ? Elle avait beau se persuader que l'ombre à la houppelande ne soupçonnait pas sa présence sur les lieux le soir du meurtre, la disparition des bons points venait démentir cette fragile certitude. Le photographe demeurait invisible et l'assassinat de Suzanne Arbois n'avait pas fait les frais d'une investigation minutieuse.
    Elle gravit les trois marches, sortit ses clés, mais retint son geste. La porte était entrebâillée, elle s'ouvrit d'une simple poussée. Pauline eut un mouvement de recul. Elle jeta un coup d’œil circulaire sur son intérieur et dut se retenir au chambranle. Le tabouret dressait ses trois pattes vers le plafond, des assiettes cernaient la couchette, l'armoire tendait ses vantaux vers deux bougies neuves plantées sur l'étagère débarrassée de ses livres. Elles illuminaient une image en couleurs punaisée à la cloison, tirée d'un supplément illustré du Petit Journal : elle représentait une vieille femme tassée sur une chaise au milieu d'un fouillis indescriptible, une ribambelle de chats partageant sa solitude. Une troisième bougie éclairait la table où s'étalaient cinq bons points.
    Ce n'était pas un rêve, quand on rêve, on peut se réveiller. L'ombre à la houppelande savait, elle avait toujours su, elle l'avait retrouvée.
     
    « Drôle de rue, on se croirait au fond d'un ravin surplombé d'un pont ferroviaire, manque un train essoufflé. Oh, un escalier comme à Montmartre, en miniature s'entend. Imaginerait-on que le cours de Vincennes se cache derrière ces jardins ? C'est d'un calme ! Un vallon ourlé d'un fleuve impétueux... »
    Quand Joseph prospectait un nouveau quartier, il se sentait l'âme d'un Stanley.
    La rue de la Voûte bifurqua vers la gauche et, entre deux becs de gaz, s'enclava une large boutique dont les glaces latérales s'ornaient d'angelots joufflus maniant balais et pelles d'un côté, seaux et éponges de l'autre. Au paradis de la ménagère, lisait-on en lettres

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