Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
Vom Netzwerk:
jeune Bricquebec, Hugues et Tancrède prirent place face à eux.
    — Il fait meilleur ici que sur la lande ! s’exclama d’Aubigny en se frottant les mains l’une contre l’autre. Ah ! Serlon, il faut que je vous raconte la singulière rencontre que nous avons faite. Nous avions perdu la route de Coutances. Vous savez comme la lande se joue des hommes et offre aux voyageurs de ces mauvais chemins qui ne mènent nulle part. Par deux fois, nous avions croisé nos traces quand soudain une espèce de géant s’est dressé devant nous. Surgi de nulle part. Un homme vêtu d’un vaste mantel noir à capuche avec à la main un bâton de pèlerin.
    — Un pèlerin, répéta Serlon. Il n’y en a guère par ici.
    — Non, surtout de cette sorte. C’est vrai que, sous son mantel, il portait la robe blanche des cisterciens, mais avec son air farouche, son regard pâle et sa démarche décidée, il avait plus l’allure d’un guerrier que d’un homme de Dieu. Il a dit venir chez vous.
    Tancrède se demanda si c’était un effet de son imagination mais les traits de Serlon s’étaient durcis. D’Aubigny attendit en vain une réaction de sa part et reprit son récit :
    — Il nous a remis sur le droit chemin et a refusé que nous le prenions en croupe. Il nous a salués en nous disant qu’il avait tout son temps, que la lande était son domaine et qu’il ne voulait pas arriver avant la nuit tombée. J’ai trouvé cela singulier et je lui aurais bien posé d’autres questions mais quand j’ai voulu le faire, il avait disparu. Pas âme qui vive à la ronde, pourtant la lande est plate comme le dos de ma main et l’homme avec sa stature...
    — Laissons cela, d’Aubigny, l’interrompit Serlon. Je n’attends personne, cela doit simplement être un religieux qui vient visiter l’aumônier.
    Les serviteurs déposèrent des jarres de vin, des aiguières et des hanaps d’étain sur un dressoir puis s’approchèrent de leur maître pour savoir s’il avait besoin d’autre chose.
    — Non ! Laissez-nous maintenant et fermez les portes ! ordonna-t-il en les chassant d’un geste impatient de la main. Qu’on ne nous dérange plus.
    Puis, se tournant vers les seigneurs :
    — Eh bien, mes beaux sires, il n’est pas si courant de vous voir ensemble me venir rendre visite. Sans vouloir faire de détours, car ce n’est pas ma manière, que me vaut ce plaisir ?
    — J’aurais pu vous envoyer un messager, mais nous avions besoin de vous parler, répondit d’Aubigny.
    Le jeune homme se tut. Il ne semblait pas pressé d’exposer le but de leur visite.
    — Je vous écoute.
    Comprenant la réticence soudaine des Normands à s’exprimer devant des étrangers, le seigneur de Pirou ajouta :
    — Je réponds des personnes qui sont sous mon toit comme de moi-même.
    Hugues fit mine de se lever, imité par Tancrède. D’Aubigny protesta :
    — Je sais la valeur de votre parole, Serlon, et j’ai trop entendu d’éloges sur vos hôtes pour m’inquiéter de leur présence à nos côtés. Seulement...
    Chose peu courante chez d’Aubigny, il cherchait ses mots. Ses compagnons se taisaient. On n’entendait que le crépitement de la bruyère et le ronflement sonore d’un des lévriers.
    — Geoffroi II sera bientôt dans le Cotentin, finit-il par dire. Il fait le tour des barons et cherche des partisans pour affronter son frère.
    — Où est-il en ce moment ? demanda Serlon.
    — On l’a annoncé aux portes de Bayeux. Certains d’entre nous veulent le recevoir et l’entendre, d’autres, comme moi-même, le refusent et se réclament de leur fidélité à Henri II. Je crois qu’il est important de savoir quelles sont nos positions réciproques. L’idéal serait que nous ayons un front uni devant le frère du duc-roi.
    — Un front uni, répéta Serlon, non sans ironie. Vous parlez sérieusement ?
    — Oui, nous avons assez perdu de temps et de vies avec toutes ces guerres. Il est temps que l’ère de la paix arrive.
    — Je suis d’accord avec vous, d’Aubigny. Mais pourquoi voulez-vous que le sang qui coule dans nos veines ne soit plus le même que celui de nos pères et des pères de nos pères ? Nous l’avons bien vu au moment des guerres entre Mathilde l’Emperesse et le roi Étienne, beaucoup d’entre nous sont morts soit ici, soit en terre d’Angleterre. Nous avons la fureur dans le sang.
    — Et c’est bien ainsi ! s’exclama soudain le bouillant seigneur de Bricquebec,

Weitere Kostenlose Bücher