Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
Vom Netzwerk:
sires de Pirou étaient puissants et l’abbé en personne, escorté de ses serviteurs et des moines, les rejoignit pour l’enterrement. C’était un homme maigre et sec venu du Bec-Hellouin, et qui dirigeait la Sainte-Trinité de Lessay d’une main de fer.
    Des ouvriers allaient et venaient non loin d’eux. Des échafaudages, des poulies, des pierres de taille prêtes à être hissées dans les hauteurs témoignaient de la vitalité de l’abbaye. Depuis sa fondation par les barons de La Haye du Puits, la Trinité n’avait cessé de s’accroître. Elle comptait cinquante moines, une trentaine de serviteurs et presque autant de tailleurs de pierre et de maçons travaillant à l’élévation des bâtiments avant que l’hiver ne vienne les interrompre.
    Dans le cimetière, au milieu des arbres fruitiers, des noyers et des noisetiers se dressaient les croix des religieux et des dalles de pierre aux armes des chevaliers et seigneurs normands du voisinage.
    On déposa le cercueil au bord de la fosse et on l’ouvrit pour en sortir le cadavre ficelé dans son linceul. Les moines firent descendre le corps qui heurta les parois puis reposa au fond du trou. L’abbé donna sa bénédiction, Serlon jeta une motte de glaise sur les restes de sa soeur. Tous défilèrent ensuite, jusqu’à ce que le linceul disparaisse sous la terre.
    Bjorn s’avança dans les derniers. Il resta un moment au bord de la fosse, vacillant comme s’il allait s’y précipiter, puis il se signa et fit demi-tour.
    Tancrède retourna vers les chevaux avec au coeur un sentiment ambigu, mélange de mélancolie et de joie puissante d’être encore en vie.
    On combla la fosse. Frère Baptiste enfonça une rudimentaire croix de bois dans le sol, laissant le soin aux imagiers de l’abbaye de mettre en place la dalle qu’ils achevaient de tailler.
    L’abbé entraîna le sire de Pirou à l’écart. Les gens regagnaient le convoi en murmurant. Les regards s’égayaient, les conversations reprenaient. La vie revenait, plus forte de son côtoiement de la mort. Déjà les enfants riaient et les filles cherchaient du regard les ouvriers perchés dans les échafaudages.
    Il y avait dans le cloître, ouvert pour l’occasion à la famille, quelques tombes de pierre appartenant aux seigneurs du voisinage, les barons de La Haye du Puits, fondateurs de l’abbaye, les d’Aubigny, les Pirou... Après l’enterrement, frère Aubré s’entretint un moment avec Baptiste avant de se diriger vers l’enceinte sacrée. Il alla à l’un des gisants et s’agenouilla. Il pria longtemps, puis se releva et alla rejoindre les autres sans remarquer la présence discrète d’Hugues de Tarse qui, dissimulé derrière un pilier, ne l’avait pas quitté des yeux. La tombe était recouverte d’une fine couche de mousse que l’Oriental gratta de son ongle avant de se relever, l’air pensif, et de noter sur sa tablette de cire le nom gravé dans la pierre. Un patronyme qui lui rappela un texte rédigé par Orderic Vital où figurait un sénéchal de ce nom-là.
    Pourquoi le moine blanc venait-il ici ? Pourquoi avait-il suivi l’enterrement de Muriel ? Autant de questions que remuait Hugues tout en continuant son exploration du cloître et en énumérant les noms gravés dans la pierre : d’Aubigny, d’Orval, Gratot...
    Il s’arrêta près du gisant du sire Richard de Pirou, le père de Serlon et de Muriel. Ses pensées furent interrompues.
    Un moine s’était approché.
    — Je vous salue, messire, fit-il.
    L’Oriental rendit son salut au religieux qui reprit avec empressement :
    — Je suis Thomas, le frère hôtelier. Puis-je vous aider de quelque façon, mon fils ? Vous regardiez nos tombes ?
    Hugues se fit la réflexion que les hôteliers, dans quelque abbaye qu’ils soient, témoignaient toujours d’une inlassable curiosité à l’égard de leurs visiteurs.
    — Sans doute, mon frère, répondit-il avec courtoisie. Je suis venu pour l’enterrement de Muriel de l’Épine et l’abbé m’a permis de profiter du silence de votre cloître.
    — Oui, je vous ai remarqué. Il est vrai que votre vêtement... D’où vient ce singulier manteau ?
    — C’est un burnous, mon frère. Il est fabriqué dans les ateliers de la lointaine Syrie.
    — Ah.
    Hugues sentit que l’autre s’apprêtait à lui poser de nouvelles questions.
    — Vous alliez me parler du cloître, fit-il.
    — Oui, bien sûr, et des sépultures. Il faut tout d’abord que

Weitere Kostenlose Bücher