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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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préoccupé.
    — Quoi ?
    — Rien, rien... Il est trop tôt.
    — Vous ne dites rien sur l’autre partie de sa prédiction.
    — Que voulez-vous que je vous dise ? Qu’il a raison ? « Vous irez loin, fort loin, par terre et par mer, vers des pays où l’on parle d’autres langues que la nôtre, où l’or et l’argent tapissent les murs, où les femmes sont si belles qu’on les enferme, vous serez prince parmi les princes, et mendiant aussi... »
    Le regard de Tancrède se durcit. Dans ces moments-là, il ne comprenait pas le silence de son maître. Pourquoi ne parlait-il pas ? Même quelques mots, quelques vagues indications auraient suffi, pensait-il, à nourrir sa faim. Il se força au calme, et répondit :
    — J’aimerais que ce soit vous qui me parliez, et non un étranger.
    Hugues soupira :
    — Je comprends votre impatience...
    — Non ! coupa Tancrède. Non, vous ne le pouvez pas !
    — J’ai fait promesse...
    — Cet homme a-t-il dit la vérité ?
    — Un poète persan a dit : Quand l’arbre est petit, le jardinier l’oriente comme il veut...
    — ... mais il ne peut plus, lorsque l’arbre a grandi..., poursuivit Tancrède à sa place, ... redresser ses courbures et ses sinuosités. Le poète, si je me souviens bien de mes études, est Abu Shakour. Et il a raison, l’arbre a grandi et il ne veut plus s’orienter que par lui-même. Mais vous ne m’avez pas répondu.
    — Je crois que cet homme a vu l’une des voies possibles, fit-il enfin. Mais la destinée est comme cette lande, traversée de multiples chemins.

25
    Hugues et Tancrède étaient arrivés sur le champ de foire où des centaines de chariots et de tentes dessinaient des allées.
    Leurs costumes, leur peau plus foncée que la leur, les armes courbes qui se devinaient sous les amples burnous, même le harnois de cordouan des destriers retenaient l’attention des villageois qui murmuraient parfois le nom de « Maures » en se signant, quand ils ne se retournaient pas sur leur passage en crachant sur le sol.
    D n’y avait pas si longtemps, Tancrède s’en souvenait, quand Hugues avait semblé craindre pour leur sécurité, ils avaient cessé de s’habiller ainsi. Mais avant de venir à Pirou, ils avaient à nouveau revêtu les vêtements dans lesquels, sans s’expliquer pourquoi, il se sentait si à l’aise. Le saroual, ample pantalon flottant de lin noir, la chemise de lin sur laquelle il ajustait son qumbaz, ce long gilet ouvert dont il fixait les pans à la taille par une large ceinture de cuir, et enfin le burnous, lourd manteau en laine doublé. Il aimait ce costume qui le distinguait des autres. Sans pouvoir se l’expliquer, il le sentait sien. Comme une arme à sa main. Souvent, il pensait à l’Orient, sans savoir au juste quoi mettre derrière ce mot. Venait-il de là-bas comme Hugues ? Il ne lui avait arraché que de courts récits, trop brefs pour qu’il éveille un écho même lointain.
    Le brouhaha autour d’eux le ramena aux gamins qui les suivaient, essayant de toucher les tissus et les cuirs des selles. Agacés, les destriers encensaient. Enfin, craignant quelques coups de fer, les enfants finirent par se disperser comme une volée de moineaux.
    Ici et là, des moines s’affairaient, donnant la main aux ouvriers et aux marchands pour monter les loges, baraques de planches recouvertes d’une toiture de roseaux. Ensuite venaient les femmes qui, avec leurs enfants, jetaient des brassées de paille et d’herbe sur le sol et décoraient les montants de feuillages tressés et de fleurs des champs. Enfin, chacun enfonçait le mât de son enseigne dans le sol. Les longues perches souples portaient des objets indiquant la fonction de ceux qui tenaient loges ou étals : cruche, sabot, panier, drap, plumes d’oie, bougies de suif...
    — Je peux vous aider, mes beaux sires ? fit la voix grêle d’un gamin à l’air déluré qui s’était approché d’Hugues.
    Le visage encadré d’une tignasse blonde, pieds nus, la tunique rapiécée, le petit gars avait les genoux et les coudes ornés de bleus.
    — Tu n’as donc point peur de nous que tu t’approches, alors que tes amis restent au loin à nous observer ? demanda l’Oriental.
    — Ben, non, mon sire. D’abord, ce sont point mes amis et pourquoi que j’aurais peur ? Z’êtes ni des loups ni des ours.
    — Les hommes sont souvent bien plus dangereux que les animaux que tu viens de citer. Que veux-tu ?
    — J’peux

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