Le Peuple et le Roi
Monsieur Veto ! »
et « Vive la République ! ». On décide de se rendre en armes à l’Assemblée
puis aux Tuileries afin d’y présenter des pétitions exigeant le retrait des
veto royaux qui empêchent la déportation des prêtres réfractaires et l’arrivée
des fédérés, venus des départements, au nombre de cinq par canton.
Louis ne répond pas à ceux qui, dans son entourage, l’invitent
à invoquer la Constitution qui autorise le droit de veto.
Il sait que les Girondins, les sans-culottes, la plupart des
Jacobins et sans doute les agents du duc d’Orléans se soucient peu de la
légalité ! Ils veulent cette insurrection, afin de faire plier le roi.
Le maire de Paris, Pétion, vient de prendre un arrêté qui
ordonne au commandant de la garde nationale « de rassembler sous les
drapeaux les citoyens de tous uniformes et de toutes armes, lesquels marcheront
ainsi réunis sous le commandement des officiers de bataillon ».
Pétion vient ainsi de décréter que l’insurrection est légale.
Il y a bientôt une foule en armes, devant la salle du Manège.
Les canons d’Alexandre sont pointés sur l’Assemblée et les Tuileries. Des enfants
côtoient les femmes des Halles, les charbonniers des faubourgs, les
sans-culottes, des vagabonds, vingt mille personne se pressent dans la rue
Saint-Honoré, portant des piques, lances, broches, haches, scies, fourches, massues
et aussi des épis de blé, des rameaux verts et des bouquets de fleurs.
Ils entrent en force à l’Assemblée. Ils crient, interrompant
les délibérations. L’un d’eux, qui se proclame orateur du peuple, déclare :
« Le peuple est debout, à la hauteur des circonstances,
prêt à se servir des grands moyens pour venger sa majesté outragée. »
On danse, on défile devant la tribune. On brandit une
culotte de soie, pleine d’excréments ; voilà les vêtements des
aristocrates.
On a planté au bout d’une pique un cœur de veau sanglant, avec
cette inscription : « Cœur d’aristocrate ». On crie : « Vive
les aristocrates ! À bas le veto ! »
Louis est là, face à cette foule qui l’insulte, le presse.
« Citoyens, crie un chef de légion de la garde
nationale, chargé de la défense du palais, reconnaissez votre roi, respectez-le.
Le roi vous l’ordonne. Nous périrons tous plutôt qu’il lui soit porté la
moindre atteinte. »
On fait monter le roi sur une banquette dans l’embrasure d’une
croisée.
« À bas le veto, rappelez les ministres. »
On interpelle Louis : « Tout votre cœur, toutes
vos affections sont pour les émigrés à Coblence. »
Le boucher Legendre hurle :
« Monsieur, écoutez-nous, vous êtes fait pour nous
écouter, vous êtes un perfide, vous nous avez toujours trompés, vous nous
trompez encore. Mais prenez garde à vous, la mesure est à son comble et le
peuple est las de se voir votre jouet. »
On menace le roi.
On élève à hauteur de son visage ce cœur de veau sanglant, cette
culotte pleine d’excréments.
Louis ne tremble pas.
« Je suis votre roi, dit-il, je ne me suis jamais
écarté de la Constitution. »
Il coiffe un bonnet rouge muni de la cocarde tricolore.
La chaleur est étouffante.
« Foutre il a bien fait de prendre le bonnet, foutre, s’il
ne sanctionne pas les décrets nous reviendrons tous les jours ! »
La pièce est pleine d’une foule grouillante. On propose une
bouteille de vin à Louis. Il boit au goulot, dit :
« Peuple de Paris, je bois à ta santé et à celle de la
nation française. »
Un grand jeune homme qui se tient proche du roi clame d’une
voix forte : « La sanction des décrets ou vous périrez. »
Le maire de Paris, qui est présent depuis quelques instants,
hésite puis, pressé par son entourage, dit : « Citoyens, vous ne
pouvez rien exiger de plus. »
Il hausse la voix :
« Le peuple a fait ce qu’il devait faire, dit-il. Vous
avez agi avec la fierté et la dignité des hommes libres. Mais en voilà assez, que
chacun se retire. »
On interpelle encore le roi, puis la foule commence à
refluer, traversant la chambre du roi.
« Est-ce là le lit du Gras Veto ? Monsieur Veto a
un plus beau lit que nous ! » dit-on.
On passe dans le cabinet où se tiennent la reine, le dauphin,
sa sœur Madame Royale, et Madame Élisabeth la sœur du roi. On tend à la reine
un bonnet rouge pour son fils. Elle l’en coiffe.
Santerre se tient à ses côtés.
« Ôtez le
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