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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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comme si tout était calme ; le coin de toutes
les rues tapissé de trente affiches bleues, jaunes, ou rouges, qui promettent
des farces pour le soir ; trois mille oisifs arrangeant en conséquence l’ordre
de leur journée, flottant sérieusement entre Tancrède qui se donne au
    Théâtre de la Nation, et Jocrisse ou la Poule aux œufs d’or qui est joué au Théâtre du Vaudeville ; des projets de soupers de corps, de
concerts, de personnes aimables, et cependant un volcan terrible mugit sous
leurs pieds. »
     
    Le volcan gronde. Les troupes austro-prussiennes avancent
dans le Nord. Elles occupent Orchies et Bavay.
    « Les Autrichiens, écrit Gouverneur Morris, parlent
avec la plus grande confiance de passer l’hiver à Paris. »
    « Notre maladie avance bien », murmure-t-on dans l’entourage
de Marie-Antoinette.
    Elle voudrait agir. Et elle transmet ce qu’elle apprend des
plans de campagne, à Mercy-Argenteau, le gouverneur autrichien à Bruxelles.
    Elle se confie :
    « Le roi n’est pas un poltron, dit-elle. Il a un très
grand courage passif… Il a peur du commandement et craint plus que toute autre
chose de parler aux hommes réunis… Dans les circonstances où nous sommes, quelques
paroles bien articulées, adressées aux Parisiens qui lui sont dévoués, centupleraient
les forces de notre parti. Il ne les dira pas. »
     
    Louis connaît le jugement de la reine.
    Peut-être a-t-elle raison lorsqu’elle dit qu’il a vécu tel
un enfant toujours inquiet, sous les yeux de Louis XV jusqu’à vingt et un ans, et
que cela l’a rendu timide, renfermé.
    Mais s’il est passif, c’est aussi que c’est la seule forme
de courage que la situation admet.
    Il sent, à ces chants, à ces roulements de tambour, à ces
milliers de fédérés qui arrivent de tous les départements, qu’un grand élan
patriotique soulève le pays.
    Les Marseillais entrent au pas cadencé, précédés par
des cavaliers, acclamés par les sans-culottes de Santerre. Ils chantent « Aux
armes, citoyens ! Formez vos bataillons », ce Chant de guerre pour
l’armée du Rhin qu’ils ont entonné tout au long de leur route de Marseille
à Paris, et cette Marseillaise se répand comme une traînée de poudre.
    L’Assemblée a décrété la Patrie en danger, appelant
aux enrôlements volontaires, et un détachement de cavalerie avec trompettes, tambours,
musique, et six pièces de canon, suivi de douze officiers municipaux à cheval
portant la bannière tricolore avec l’inscription La Patrie est en danger, parcourt
les principales rues et boulevards de Paris. On s’arrête. On monte sur une
estrade, on lit le texte de la proclamation :
    « Des troupes nombreuses s’avancent vers nos frontières.
Tous ceux qui ont horreur de la liberté s’arment contre notre Constitution. Citoyens,
la Patrie est en danger. »
    En trois jours, plus de quatre mille jeunes hommes courent
aux amphithéâtres décorés de drapeaux tricolores où sont reçus les engagements.
    Qu’opposer à ce mouvement, à cette crue d’hommes ?
    Quelques régiments de Suisses, qu’on va concentrer aux
Tuileries, des nobles courageux, anciens gardes du corps et gardes du roi, viendront
les rejoindre, certains gardes nationaux des quartiers ouest pourront aussi
vouloir défendre le roi constitutionnel, mais, Louis le sait, la partie est
inégale.
    Seules les armées autrichiennes et prussiennes peuvent
briser ce mouvement. Mais elles sont étrangères.
    Et le mot de patrie est la plus terrible des armes
dont disposent les sans-culottes. À l’Assemblée, Vergniaud le Girondin, en
proclamant la Patrie en danger , a prononcé un réquisitoire contre le roi,
en l’interpellant : « Non, non, s’est-il écrié, homme que la
générosité des Français n’a pu émouvoir, homme que le seul amour du despotisme
a paru rendre sensible, vous n’avez pas rempli le vœu de la Constitution !
Vous n’êtes plus rien pour cette Constitution que vous avez indignement violée,
pour ce peuple que vous avez si facilement trahi. »
    Et en même temps ces Girondins hésitent à transformer leurs
paroles en actes.
    Ils craignent l’anarchie. Ils se méfient de ces sections
sans-culottes comme celles des Quinze-Vingts et des Cordeliers, peuplées d’ébénistes,
de menuisiers, ouvriers et artisans, tapissiers, marbriers, verriers de la
Manufacture royale des glaces, rue de Reuilly.
    Dans la section des Gravilliers, les éventaillistes, les
merciers, les

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