Le Peuple et le Roi
épouvantent, écrit-il.
« Un peuple déjà rassasié de crimes est appelé à des
crimes nouveaux : il ne sait ni ce qu’il veut, ni ce qu’on lui dit de
vouloir. Mais ce peuple, ce n’est pas le PEUPLE FRANÇAIS, c’est ce qu’on
appelle la NATION. Telle une excroissance spongieuse et visqueuse naît sur le
corps humain : elle n’est point ce corps, et cependant elle en fait partie…
Ne l’extirpez point, sa grosseur deviendra bientôt démesurée, sa masse parasite
fera courber le corps qu’elle défigure et dessèche à la fois… »
C’est bien cela ! Et Louis répète la conclusion de l’une
des lettres qu’il a reçues :
« Nous sommes sur un volcan prêt à jeter des flammes. »
Mais il ne cédera pas. Il n’est plus temps.
Il entend les cris que poussent, aux abords des Tuileries, les
sans-culottes. Ils exigent que le roi renonce à ses deux veto sur les décrets
de l’Assemblée nationale. La foule dénonce ceux qui le soutiennent et qui ne
sont qu’une « horde d’esclaves, des traîtres, des parricides, des
complices de Bouillé ».
Ils lancent : « Périssent les tyrans, un seul
maître la loi. »
Et Roland de La Platière, le ministre de l’intérieur, cet
homme en habit noir, aux cheveux plats très peu poudrés, ses souliers sans
boucle, une sorte de « quaker endimanché », adresse à Louis une
lettre arrogante, exigeant, au nom des autres ministres, que le roi accepte les
deux arrêtés, renonce à son droit de veto.
La lettre a sans doute été écrite par Manon Roland, après
avoir consulté Vergniaud et Brissot, et les habitués de son salon de la rue
Guénégaud.
Ils imaginent sans doute tous que Louis va céder. Et au
contraire, il s’arc-boute, démet Roland et les ministres girondins, et les
remplace par des membres du club des Feuillants, modérés et inconnus.
Il sait que le « volcan va jeter des flammes », que
l’épreuve de force est engagée.
Dès le 13 juin, l’Assemblée décrète que les ministres
renvoyés « emportent la confiance de la nation ».
Dans les tribunes de l’Assemblée on crie : « À bas
l’Autrichienne, À bas Monsieur Veto ! »
« Déchéance ! »
Et on entend même quelques « Vive la République ! »
et « Aux armes ! ».
Louis n’est pas surpris par la violence des propos qu’on lui
rapporte.
Les députés girondins ont eux aussi, comme les sans-culottes
présents à l’Assemblée, réclamé la déchéance du roi. Ils décident même de créer
une Commission des Douze, composée de députés Feuillants et Jacobins, et
destinée à veiller aux dangers qui menacent la patrie.
Et on accuse la reine d’être l’alliée et la complice des
souverains étrangers, de livrer les plans des armées françaises, aux émigrés, au
marquis de Bouillé, au duc de Brunswick qui commande les troupes prussiennes.
Quant à Monsieur Veto, il fait cause commune avec les
prêtres réfractaires, ces « chambardeurs » qui dressent les paysans
contre les prêtres constitutionnels et qui incitent les citoyens à la rébellion.
Et cela se produit chaque jour dans les départements de l’Ouest, en Provence.
Et l’indignation et la crainte sont à leur comble quand les
députés lisent la lettre qu’adresse à l’Assemblée le général La Fayette. Il
exige des mesures d’ordre, le respect de la Constitution et donc de la personne
du roi.
L’armée des frontières va-t-elle marcher contre les
patriotes de Paris ?
Il faut appeler le peuple à se dresser, afin de contraindre
le roi à reconstituer un gouvernement patriote. Seul, au club des Jacobins, Maximilien
Robespierre tente d’empêcher le déferlement de la violence.
Il dénonce « ces insurrections partielles qui ne font
qu’énerver la chose publique ».
Mais les sans-culottes des faubourgs Saint-Antoine et
Saint-Marcel se rassemblent déjà, armés de leurs piques et de leurs coutelas, de
leurs poignards et de leurs fusils.
Santerre, le brasseur du faubourg Saint-Antoine qui a pris
part à l’attaque de la Bastille et qui était au Champ-de-Mars le 17 juillet
1791, ordonne aux tambours de battre, aux sections de se mettre en marche.
Alexandre, ancien agent de change, lui aussi présent au
Champ-de-Mars le 17 juillet 1791, commandant des canonniers de la garde
nationale, rejoint le cortège avec sa vingtaine de canons.
Le cortège grossit. Les citoyens « passifs » se
mêlent aux gardes nationaux. On crie « À bas
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