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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Marie-Antoinette.
    Elle l’émeut.
    Il imagine ses souffrances. Elle a trente-sept ans, un an de
moins que lui, mais l’angoisse, la détention, l’ont marquée. Ses cheveux ont
blanchi, ses traits se sont affaissés. Elle ressemble à une vieille femme, et
souvent elle pleure, ou défaille, serrant ses enfants contre elle, ou bien
priant avec sa belle-sœur, qui paraît bien plus âgée que ses vingt-huit ans.
    Louis sent la mort qui rôde au-dessus d’eux, et d’abord de
lui-même et du dauphin, souffreteux et apeuré.
    Et un garde municipal a lancé, un jour, que cet enfant était
le seul à lui faire pitié mais « qu’étant né d’un tyran, le fils Capet
devait mourir ».
     
    Louis sait que la seule manière de contenir l’angoisse et de
lutter contre la peur, c’est de s’arrimer à ses habitudes.
    Il se lève à sept heures. Il prie Dieu jusqu’à huit, s’habille
en même temps que le dauphin, monte déjeuner chez Marie-Antoinette en famille. Puis
leçons pour les enfants jusqu’à onze heures. Promenade si les gardiens l’autorisent,
« dîner », jeu de tric-trac et de piquet. Louis après se retire, pour
dormir, attendre six heures, où il reprend son enseignement, jusqu’à l’heure du
souper à neuf heures du soir.
    Louis se couche vers onze heures.
    Il se refuse à commenter les événements, parce qu’il veut
conserver son impassibilité, ne pas s’épancher et ne pas montrer ses faiblesses,
tenter ainsi de rassurer Marie-Antoinette, digne, mais succombant à des accès
de désespoir.
    Quand, le 21 septembre, Louis entend des sonneries de
trompette, des roulements de tambour, des cris de « Vive la nation ! »,
il ne lève même pas la tête.
    Tout à coup, le silence, et une voix qui déclame :
    « La Convention nationale réunie vient de décréter que
la royauté est abolie en France. »
     
    Ce 21 septembre 1792 est un vendredi, jour maigre, mais au
nom de l’égalité, on refuse à la famille royale de lui servir du poisson ou des
légumes.
    Vers midi, douze commissaires envoyés par les députés de la
Convention réunis aux Tuileries sont venus informer l’Assemblée législative, qui
tient séance salle du Manège, qu’il s’agit là de la dernière et que les
conventionnels vont s’installer, à la place des légistes, dans cette même salle.
    Et sous les acclamations, avec des roulements de tambour, les
députés à la Convention s’installent.
    Et déjà Marat, qui a été élu à Paris, par quatre cent vingt
voix sur sept cent cinquante-huit votants, proteste.
    Les tribunes de la salle du Manège réservées au « peuple »
ne comptent que trois cents places ! Il faut, déclare Marat, absolument
assurer la place à quatre mille spectateurs.
    « La Convention nationale doit être sans cesse sous les
yeux du peuple, afin qu’il puisse la lapider si elle oublie ses devoirs »,
ajoute Marat.
    Les députés s’écartent de lui.
    Le maire de Paris Pétion, qui a été désigné comme président
de la Convention, et les membres de son bureau qui sont tous girondins, s’insurgent,
condamnent Marat.
    Des placards signés de « l’Ami du peuple » sont
affichés aux carrefours, réclament un « gouvernement de main forte »,
un triumvirat, dont Marat ferait partie en compagnie de Danton et de Robespierre.
Et certains de ces appels vont jusqu’à proposer la dictature à Danton.
    Les Girondins du bureau de la Convention s’indignent, dénoncent
Marat, ses « placards désorganisateurs qui ne cessent point depuis
plusieurs jours d’appeler une forme de gouvernement qui inspire de justes
alarmes ».
    Les Girondins affirment même qu’il existe un « dangereux
complot tramé par la députation de Paris ».
     
    Ainsi la Convention s’est-elle à peine réunie qu’on s’y
déchire, qu’on s’y suspecte, qu’on s’y accuse.
    Les Girondins – peut-être soixante-cinq députés, dont
Brissot, Vergniaud, Condorcet, Barbaroux – sont décidés à en finir avec cette
Commune de Paris, son Comité de surveillance. Dans les salons de Manon Roland
ou de Madame Condorcet, on répète que Paris est une « ville nourrie de
sang et de mensonges ».
    Marat, y dit-on, n’est qu’un « fou atrabilaire », un
« criminel », l’un des responsables majeurs des massacres de début
septembre. Et qui a même signé des ordres de visite domiciliaire d’une centaine
de Girondins, parmi lesquels Brissot.
     
    Mais le grand adversaire de la Gironde,

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