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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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les jurandes, des commerces
concurrents.
    Réformer, c’est donc, au nom de la liberté et de l’égalité, mécontenter
presque tous les sujets du royaume.
    Pour les uns, Turgot ne va pas jusqu’au bout de ce qui est
nécessaire.
    Pour les autres, il va trop loin.
     
    Louis entend les récriminations de ses frères, le comte de
Provence et le comte d’Artois, et celles de la reine, que son entourage dresse
contre ce Turgot qu’elle voudrait, dit-elle, voir envoyer à la Bastille.
    Ne s’en est-il pas pris au comte de Guines, contraint de
quitter son ambassade à Londres, et dont elle obtient, camouflet pour Turgot, qu’il
soit fait duc ?
    Louis a donc cédé, même s’il se méfie des intrigues de
Marie-Antoinette.
    Il s’inquiète de la réputation de la reine qui, dans l’hiver
1776, entraîne ses courtisans au milieu de la nuit, à parcourir en traîneaux, éclairés
par des torches, les rues de Paris enneigées.
    Puis, c’est souper, bal, fête, dépenses.
    Le roi l’interroge :
    « On vous a bien applaudie à Paris ?
    « Non, cela a été froid.
    « C’est qu’apparemment, Madame, vous n’aviez point assez
de plumes.
    « Je voudrais vous y voir, Sire, avec votre
Saint-Germain et votre Turgot. »
    Car la reine désormais se pique de « faire et défaire
les ministres ».
    Elle s’est rapprochée de Maurepas. Le mentor de Louis XVI
est jaloux de Turgot. C’est donc un allié.
    « C’est, dit-elle, pour le bien de l’État, pour le bien
du roi et par conséquent pour le mien. »
    Malesherbes, conscient de l’opposition de la reine, démissionnera.
Louis se défie d’elle, mais elle est obstinée, entourée de confidents intéressés,
tous hostiles à Turgot, aux réformes, tous défenseurs des privilèges dont ils
bénéficient.
    Même l’ambassadeur d’Autriche s’inquiète. Il écrit à l’impératrice
Marie-Thérèse, qui suit, jour après jour, les manœuvres de sa fille :
    « On parvient à piquer son amour-propre, à l’irriter, à
noircir ceux qui pour le bien de la chose veulent résister à ses volontés. Tout
cela s’opère pendant les courses et autres parties de plaisir. »
     
    Comment Louis pourrait-il résister à la coalition qui
rassemble la reine et le comte d’Artois, les évêques et Maurepas, les
parlementaires et les maîtres des jurandes et des corporations ?
    Le roi tente de fuir pour ne pas avoir à trancher, à choisir.
    Il chasse avec une énergie et une violence redoublées. Il
active sa forge. Il frappe le métal. Mais la tension autour de lui augmente.
    Maurepas le harcèle, veut obtenir le renvoi de Turgot, qui
selon le mentor mène le royaume à l’abîme, et qui, de fait, est devenu le
premier des ministres.
    La reine redouble les avertissements de Maurepas, dépose
devant Louis ce pamphlet, intitulé Les Mannequins , inspiré, dit-on, par
son frère le comte de
    Provence, et qui montre le Roi mannequin entre les
mains d’un certain « Togur »…
    Les blessures d’amour-propre de Louis s’aggravent.
    Elles sont d’autant plus insupportables que Louis ne se
reconnaît pas dans les idées de Turgot.
    Il est le roi de droit divin et c’est à lui seul de définir
ce qu’il entend par égalité, liberté, tolérance, et cela ne relève pas de la
décision d’une Assemblée, fût-elle nationale, ou bien de philosophes qui récusent
l’Église.
     
    Quand Turgot, au Conseil, formule cette maxime : « Les
dépenses du gouvernement ayant pour objet l’intérêt de tous, tous y doivent
contribuer, et plus on jouit des avantages de la société plus on doit se tenir
honoré d’en partager les charges », le roi comprend que la politique de
Turgot est grosse d’un changement radical dans les lois fondamentales du
royaume.
    Et surtout il sait qu’elle dressera contre elle les
parlements, tous les privilégiés, les évêques, et donc la Cour, et
naturellement la reine.
    Il ne veut pas, il ne peut pas se laisser entraîner dans une
opposition, une fronde, une guerre entre lui, le roi, et sa famille, et ceux
qui sont les colonnes de la monarchie.
    Louis veut le bonheur de ses sujets, mais pas au prix du
reniement des serments du sacre, et de tout le passé de la monarchie.
    Il ne veut pas de la rupture avec l’Église apostolique et
romaine, dont la France est la fille aînée, ni du sacrifice de la noblesse, qui
est l’armature millénaire du royaume.
    Il ne peut pas concevoir un autre monde, il ne le veut pas. Il
faut donc que

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