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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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cents prêtres portant des rubans tricolores. Le
roi, la reine et la Cour pénètrent par l’École militaire dans une galerie
couverte ornée de draperies bleu et or.
    L’évêque d’Autun, Talleyrand-Périgord, entouré de quatre
cents enfante de chœur en blanc, célèbre la messe.
    La Fayette prête serment de rester fidèle à la nation, à la
loi, au roi.
    Les canons tonnent, les tambours roulent. « Vive La
Fayette ! »
    Le roi s’avance mais ne va pas jusqu’à l’autel. Il dit :
    « Moi, Roi de France, je jure à la nation d’employer
tout le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’État, à
maintenir la Constitution et à faire exécuter ses lois. »
    On l’acclame. La reine soulève son fils, le montre au peuple.
    Et celui-ci crie : « Vive la reine ! », « Vive
le dauphin ! ».

22
    Louis, au château de Saint-Cloud, où la famille royale est
rentrée au soir de ce 14 juillet 1790, s’interroge.
    Que valent ces acclamations du peuple qui ont accompagné le
carrosse du roi, tout au long de la traversée de Paris, alors que sous les
averses, la foule continuait de festoyer ?
    Louis est perplexe, exténué, comme si ce serment qu’il a
prêté, et auquel le peuple a répondu en lui jurant fidélité, avait été une épreuve
aux limites de ses forces. Et de même, Marie-Antoinette a paru épuisée, ne
recommençant à parler et à sourire au dauphin que lorsque le carrosse est
arrivé dans la cour du château.
    Ici, à Saint-Cloud, on échappe à la foule, à la surveillance
qu’elle exerce aux Tuileries, aux questions, aux injures et aux assauts qu’elle
peut lancer.
    Mais c’est le même peuple qui a crié : « Vive le
roi ! », « Vive la reine ! », « Vive le dauphin ! ».
    Comment se fier à lui, comment l’apaiser ? Est-ce
possible ?
    Ou bien faut-il fuir ?
    Les questions lancinantes reviennent.
    Fersen continue de les poser.
    Il a assisté à la fête de la Fédération.
    « Il n’y a eu que de l’ivresse et du bruit, dit-il, orgies
et bacchanales, la cérémonie a été ridicule, indécente, et par conséquent pas
imposante. »
    Louis ne répond pas. Il songe que demain dès l’aube il
chassera, et il espère qu’il débusquera du gros gibier, qu’il rentrera épuisé
après plusieurs heures de course, ayant oublié ces questions dont on le harcèle.
     
    Et dans les jours qui suivent, il chasse furieusement, mais
à peine descend-il de cheval que son frère le comte de Provence, la reine, ou
tel de ses ministres, Saint-Priest ou la Tour du Pin, l’interpellent, évoquant
ces articles de Marat, lui tendent ce journal, L’Ami du peuple , dont l’audience,
dit-on, s’accroît.
     
    Chaque phrase de Marat est comme un coup de hache.
    Il critique la fête de la Fédération, ce piège, cette
illusion qu’on a offerte au peuple.
    « Vous avoir fait jurer fidélité au roi, dit-il, c’est
vous avoir rendu sacrés les ennemis qui ne cessent de conspirer sous son nom
contre votre liberté, votre repos, votre bonheur. »
    Louis a l’impression que Marat trempe sa plume dans le sang.
    Il brandit chaque article comme une tête au bout d’une pique.
    « La fuite de la famille royale est concertée de
nouveau, écrit-il… Cessez de perdre votre temps à imaginer les moyens de
défense. Il ne vous en reste qu’un seul : une insurrection générale et des
exécutions populaires.
    Commencez donc par vous assurer du roi, du dauphin et de la
famille royale : mettez-les sous forte garde et que leurs têtes vous
répondent de tous les événements… Passez au fil de l’épée tout l’état-major
parisien de la garde nationale, tous les “noirs” et les ministériels de l’Assemblée
nationale. Je vous le répète, il ne vous reste que ce moyen de sauver la patrie.
Il y a six mois que cinq ou six cents têtes eussent suffi pour vous retirer de
l’abîme… Aujourd’hui peut-être faudra-t-il en abattre cinq à six mille, mais
fallût-il en abattre vingt mille il n’y a pas à balancer un instant… »
    Et quelques semaines plus tard, dans un nouvel article il se
reprend :
    « Il y a dix mois que cinq cents têtes abattues
auraient assuré votre bonheur, dit-il ; pour vous empêcher de périr vous
serez peut-être forcés d’en abattre cent mille après avoir vu massacrer vos
frères, vos femmes et enfants… »
     
    Louis se tasse. Il laisse tomber sa tête sur sa poitrine. Comment
ne pas fuir un pays où de tels

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