Le Peuple et le Roi
fît un miracle en votre faveur, vous fasse différent de ce que sont
les rois, des despotes ?… L’histoire n’est remplie que de leurs forfaits… Je
vous juge par votre conduite passée. Je vous juge par vous-même… Ne vous
flattez pas de donner le change aux patriotes clairvoyants. »
Louis a ces propos en tête lorsqu’il reçoit le comte Axel
Fersen qui réussit à pénétrer discrètement dans le palais des Tuileries, et qui,
presque chaque nuit, se rend au château de Saint-Cloud quand la famille royale
est autorisée à y séjourner.
Louis connaît les sentiments de Fersen à l’égard de la reine.
Mais peut-être à cause de cela, il croit au dévouement de ce noble suédois, qui
répète « qu’il n’y a qu’une guerre extérieure ou intérieure qui puisse
rétablir la France et l’autorité royale ».
Louis ne s ’ y résout pas, et c’est aussi pourquoi il
ne veut pas fuir.
Il veut attendre encore.
Mille signes montrent que nombreux sont les députés qu’inquiètent
l’anarchie, les désordres, les jacqueries qui continuent d’ensanglanter
plusieurs régions : le Quercy, le Périgord, la Corrèze, la Bretagne.
Les bourgeois de la capitale, comme le libraire Ruault, garde
national, patriote, constatent que « Paris se remplit de pauvres et de
mendiants qui accourent de toutes les villes et les campagnes. Cela inquiète
tous les habitants ». Les citoyens actifs ne veulent pas être menacés, entraînés
par les citoyens passifs. Et au club des Jacobins, ces derniers ne sont pas
admis.
Et Marat condamne cette « assemblée d’imbéciles qui se
vantent d’être frères et qui excluent de leur sein les infortunés qui les ont
affranchis ».
Louis pressent qu’il y a là un ferment de profonde division
des « patriotes ». On ne suit pas Marat ou Robespierre, qui pensent
que « l’égalité des droits comporte celle des jouissances ».
Marat va jusqu’à écrire, interpellant les députés :
« Votre fameuse Déclaration des droits se réduit,
en dernière analyse, à conférer aux riches tous les avantages, tous les
honneurs du nouveau régime. Ce serait donc en faveur des seuls heureux du
siècle que s’est opérée la glorieuse révolution… Mais qu’aurons-nous gagné à
détruire l’aristocratie des nobles si elle est remplacée par l’aristocratie des
riches ? »
Cette « supplique de dix-huit millions d’infortunés »
effraie la majorité des patriotes.
Louis s’en convainc, quand il reçoit de nouvelles avances de
Mirabeau qui veut arracher le pays à l’anarchie, et propose de réviser la
Constitution, de « rétablir le pouvoir exécutif dont la plénitude doit
être sans restriction et sans partage dans la main du roi ».
Et en même temps, Mirabeau refuse l’idée d’une « contre-révolution »,
comme celle dont rêve le comte d’Artois.
Depuis Turin, le frère du roi tente de soulever le sud de la
France, en ravivant les haines qui opposent protestants et catholiques.
Tout s’y prête. Le refus par l’Assemblée – quatre cent
quatre-vingt-quinze voix contre quatre cents – déclarer le catholicisme
religion d’État.
La décision de dépouiller l’Église de ses biens, de les « nationaliser »,
de les vendre.
L’interdiction des vœux monastiques. La dissolution des
ordres religieux et, pour finir, le vote d’une Constitution civile du clergé (12 juillet 1790) qui fait élire les curés et les évêques par les citoyens
actifs.
Et puisque les membres du clergé sont salariés par l’État, exiger
d’eux un serment à la nation, à la loi, au roi, et le respect de la
Constitution. Et la lecture à l’église des décrets et des lois !
Déjà de nombreux curés et évêques annoncent qu’ils ne seront
pas des prêtres « jureurs », qu’ils choisiront d’être « réfractaires »,
puisque le pape n’a pas été consulté sur cette « Constitution civile ».
Et les curés qui ont tant apporté au tiers état passent pour
une bonne part d’entre eux à la réserve, voire à la condamnation de la
révolution.
Ils s’indignent que le pasteur Rabaut Saint-Étienne ait été
élu président de l’Assemblée au mois de mars, et qu’il déclare :
« Le clergé n’est plus un ordre ! Il n’est plus un
corps, il n’est plus une république dans l’Empire… Les prêtres pourront marcher
à la cadence de l’État. Il ne reste plus qu’à les marier. »
Un incendie vient
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