Le Peuple et le Roi
escorter le roi et
famille. On leur a expliqué qu’ils attendent un « trésor » destiné au
paiement de la solde des régiments de la frontière.
Le marquis de Bouillé et ses officiers – le comte de
Choiseul, le colonel de Damas – ne sont pas sûrs de l’état d’esprit de ces sept
cent vingt-trois hommes qui pourraient refuser d’obéir, si la population, les
municipalités manifestaient leur opposition au roi.
La seule manière d’éviter cette « fermentation », cette
rébellion, c’est de faire vite.
Or, à Montmirail, la berline qui a été rejointe par un
cabriolet où ont pris place les deux femmes de chambre de la reine a déjà trois
heures de retard sur l’horaire prévu.
Il est onze heures, ce mardi 21 juin.
On sait à Paris, depuis plus de trois heures, que le roi s’est
enfui.
C’est à sept heures que Lemoine, le valet de chambre du roi,
a constaté que Louis n’était plus dans son lit et que la famille royale avait
disparu. Il a donné l’alerte et dès huit heures la nouvelle est connue dans
tout Paris.
L’Assemblée se réunit, présidée par Alexandre de Beauhamais.
On découvre une Déclaration adressée à tous les Français ,
que le roi a laissée en évidence dans sa chambre.
Louis s’y plaint de tous les outrages subis. Seule
récompense de ses sacrifices : « la destruction de la royauté, tous
les pouvoirs méconnus, les propriétés violées, la sûreté des personnes mise
partout en danger, une anarchie complète ».
Il dénonce ces « Sociétés des Amis de la Constitution, une
immense corporation plus dangereuse qu’aucune de celles qui existaient
auparavant… Le roi ne pense pas qu’il soit possible de gouverner un royaume d’une
aussi grande étendue et d’une aussi grande importance que la France par les
moyens établis par l’Assemblée nationale ».
Et Louis XVI invite les habitants de sa « bonne ville »
de Paris, tous les Français, à se méfier des « suggestions et des
mensonges de faux amis ; revenez à votre roi, il sera toujours votre père,
votre meilleur ami ; quel plaisir n’aura-t-il pas à oublier toutes ses
injures personnelles et de se revoir au milieu de vous, lorsqu’une Constitution
qu’il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que
le gouvernement sera établi sur un pied stable… et qu’enfin la liberté sera
posée sur des bases fermes et inébranlables ».
« Tout Paris est en l’air. »
On s’indigne. L’Assemblée siège en permanence. Le club des
Cordeliers lance une pétition en faveur de la République.
On brise les bustes du roi, on macule son nom, tout ce qui
rappelle la royauté.
Louis a donc menti.
On se souvient de ce qu’écrivait Marat, dans L’Ami du
peuple. On se rappelle qu’un nouveau journal, Le Père Duchesne , avait
affirmé dès février que « la femme Capet veut se faire enlever avec le
gros Louis par La Fayette et les chevaliers du poignard ».
On se scandalise, que ce même La Fayette, suivi par la
majorité des députés, évoque « les ennemis du roi enlevant le roi ».
Robespierre s’insurge contre ce conte de l’enlèvement de
Louis XVI. Et aux Jacobins, il attaque les députés, les Barnave, les Duport, les
La Fayette, les Lameth.
« Ils ont dans vingt décrets appelé la fuite du roi un
enlèvement. Voulez-vous d’autres preuves que l’Assemblée nationale trahit les
intérêts de la nation ? »
II rappelle qu’il a fait voter, le 16 mai, une loi selon
laquelle aucun des députés de l’Assemblée constituante ne pourra être élu dans
la future Assemblée législative.
Il avait voulu ainsi exclure ces députés modérés qui ne sont
que « modérément patriotes ».
« Je soulève contre moi tous les amours-propres, dit-il.
J’aiguise mille poignards et je me dévoue à toutes les haines. Je sais le sort
qu’on me garde… Je recevrai presque comme un bienfait une mort qui m’empêchera
d’être témoin des maux que je vois inévitables. »
Les Jacobins se dressent : « Nous mourrons tous
avec toi ! », « Nous jurons de vivre libres ou mourir ! »
crient-ils.
Mais Barnave intervient, et c’est sa motion qu’on vote :
« Le roi égaré par des suggestions criminelles s’est
éloigné de l’Assemblée nationale. »
Cependant dans les rues, aux carrefours, au Palais-Royal, des
orateurs clament les propos de Robespierre. Camille Desmoulins les diffuse. Ils
enflamment le
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