Le Peuple et le Roi
souverains auprès
desquels ils représentent le roi qu’il est libre…
Mais Louis envoie secrètement des lettres qui confirment son
opposition à ces textes et la contrainte qu’il subit.
Mensonge ?
Louis doit aux siens, à sa fonction, à son royaume, cette
duplicité.
C’est son droit de souverain d’agir selon ce que lui dictent
ses principes.
Mais il est désormais résolu à quitter cette prison des
Tuileries. Il reçoit le fils du marquis de Bouillé. Et Fersen prépare, en
relation avec le marquis, les conditions de la fuite en direction de Montmédy.
Louis s’inquiète des propos de Marat qui dénonce un « prince
hypocrite révolté contre la nation… Vous seriez, Parisiens, vous seriez les
bourreaux de trois millions de vos frères si vous aviez la folie de lui
permettre de s’éloigner de vos murs… ».
Mais les jeux sont faits.
Le 18 juin 1791, Louis XVI dénonce à Bailly les « malveillants »
qui répandent le bruit de son enlèvement.
Le 19 juin, Marie-Antoinette fait parvenir un courrier à
Mercy-Argenteau, le gouverneur autrichien à Bruxelles :
« Tout est décidé, nous partons lundi 20 à minuit. Rien
ne peut plus déranger ce plan. Nous exposerions tous ceux qui nous servent dans
cette entreprise, mais nous sommes fâchés de ne pas avoir la réponse de l’empereur. »
23
Il est à peine minuit passé de dix minutes, ce mardi 21 juin
1791, quand Louis, vêtu comme un valet de chambre d’une redingote brune
peluchée et portant perruque et chapeau rond galonné, monte dans une « citadine »,
cette voiture de ville qui attend, rue Saint-Honoré, non loin du château des
Tuileries.
Il vient de sortir seul par la grande porte sans que tes
factionnaires prêtent attention à cette silhouette débonnaire commune de
domestique.
L’un des souliers du roi s’est défait et Louis l’a remis
sans hâte. Dans la voiture il trouve ses deux enfants, le dauphin Louis, âgé de
six ans, et Madame Royale – Marie-Thérèse – qui a treize ans. Is sont
accompagnés de leur gouvernante, Madame de Tourzel.
Il y a aussi la jeune sœur du roi, Madame Élisabeth, d’à
peine vingt-sept ans.
Le comte Fersen, qui a préparé la fuite de la famille royale,
« jouait parfaitement le rôle de cocher de fiacre, sifflant, causant avec
un soi-disant camarade qui se trouvait là par hasard, et prenant du tabac dans
sa tabatière ».
Il faut attendre la reine qui, comme Louis, a fait mine de
se coucher selon le rituel habituel.
Puis elle a revêtu une robe austère de gouvernante, et elle
rejoint la citadine vers minuit trente. Elle a croisé la voiture de La Fayette
sans que celui-ci la reconnaisse sous son déguisement.
« Dès que la reine fut montée dans la voiture, raconte
Madame de Tourzel, Louis la serre dans ses bras, l’embrassant et répète “que je
suis content de vous voir arrivée”. »
La citadine peut alors rouler jusqu’à la barrière
Saint-Martin, à l’entrée de la route de Metz, où l’attend une grosse berline
vert foncé, aux immenses roues jaunes, aux nombreux coffres et que surveillent
trois fidèles gardes du corps.
La famille royale et Madame de Tourzel prennent place à son
bord.
La berline a été construite en vue de cette fuite. Elle est
confortable, capitonnée de velours blanc, munie de « vases de nécessité »
prévus pour les longs voyages.
Fersen va la conduire jusqu’au premier relais à l’orée de la
forêt de Bondy. Là, à la demande de Louis, il est entendu qu’il quittera les
fugitifs, qui sont déjà en retard d’une heure et demie sur l’horaire établi
entre Fersen et le marquis de Bouillé, l’homme qui a maté la révolte de la
garnison de Nancy.
La route est longue.
On va se diriger vers Montmirail, Châlons-sur-Marne, Sainte-Menehould,
Clermont-en-Argonne, Varennes, un petit village sur la rivière l’Aire.
De là on gagnera Montmédy, but du voyage, non loin de la
frontière avec la Belgique, territoire impérial. Et là, attendent dix mille
soldats autrichiens qui, si nécessaire, pourront prêter main-forte à Louis XVI.
Mais le roi compte que la menace suffira.
D’ailleurs, il disposera des troupes du marquis de Bouillé
qui a placé des hussards, des dragons, des cavaliers du Royal-Allemand, en
plusieurs points, après Châlons-sur-Marne. Ils sont chargés de protéger la
famille royale, et de couper les communications avec Paris.
Les soldats ignorent qu’ils devront
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