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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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résistance à la rupture. Le succès avait été tel qu'en 1851 on avait confié à l'inventeur la construction d'un pont suspendu pour chemin de fer de deux cent soixante-deux mètres de portée, à Lewiston, en aval des chutes du Niagara. Soutenu par quatre câbles de deux cent cinquante-quatre millimètres de diamètre, chacun composé de trois mille six cent quarante fils de fer, l'ouvrage attirait des foules de curieux et recevait la visite d'ingénieurs de tous les pays. Charles se promit d'aller voir ce pont, car il ne connaissait les travaux du Niagara que par les articles de journalistes, aussi impressionnés que le public par « la plus audacieuse réalisation de John Roebling 2  ».
     
    Le fabricant de câbles avait été plus prompt à réagir que les fabricants de rails et de poutres de Pittsburgh. Cinq semaines après la commande, le matériel avait été livré à Nassau et apporté à Soledad par Mark Tilloy à bord du Centaur . Aux rouleaux de câbles était joint un cabestan à commande démultipliée, sur les tambours duquel s'enroulait et se déroulait, au moyen d'une manivelle, le câble de traction. Cet engin léger permettait la manœuvre manuelle d'une nouvelle benne de tôle pouvant contenir deux personnes, elle aussi livrée sur plan par les ateliers de Philadelphie.
     
    Dès que les câbles métalliques furent en place, ce qui rendit plus sûre et plus aisée la traversée du cañon, Charles vit apparaître Ounca Lou sur la rive de Buena Vista. Il n'avait pas revu la jeune fille depuis que la liaison entre l'île et l'îlot avait été interrompue par ce que tout le monde nommait « le coup de folie de l'aide-cuisinier de lady Lamia ». Par un étrange et vain sentiment de culpabilité, l'ingénieur se sentit mal à l'aise quand Ounca Lou, en présence de sa marraine, lui prit les mains avec effusion et se plaignit d'une si longue absence.
     
    – Vous n'ignorez pas que nous avons vécu à Soledad une attaque de planteurs américains venus exiger la restitution d'esclaves marrons, rappela Charles.
     
    – Nous savons. Et aussi comment mon frère renvoya avec fermeté ces gens à leurs plantations, dit Fish Lady.
     
    – Lord Simon manœuvra en effet de façon admirable, et ce qui aurait pu tourner à l'affrontement sanglant se termina comme une comédie italienne. Après, ce fut la fête dans le parc de Cornfield Manor. J'espérais vaguement vous y rencontrer, ajouta l'ingénieur.
     
    – Je ne suis jamais conviée aux célébrations à Cornfield Manor, sauf pour l'anniversaire de la reine, dit sèchement Lamia.
     
    – Si le va-et-vient avait été réparé, moi je serais allée au goombay  ! Discrètement, bien sûr. J'aime les chants et les danses des Arawak, dit Ounca Lou.
     
    – Si vous acceptez, lors de la prochaine fête, vous serez ma cavalière, risqua Desteyrac, retrouvant son aplomb.
     
    Le regard de la jeune fille annonçait une acceptation enthousiaste quand lady Lamia intervint si vivement que l'intéressée n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche.
     
    – Je crains, monsieur, que ma filleule ne soit pas une partenaire aussi attentionnée que la fille du cordonnier, dit-elle, le regard farouche.
     
    Charles, décontenancé, s'absorba dans l'examen des serre-câbles que Tom O'Graney venait de mettre en place.
     
    « Comment diable cette femme sait-elle ? Le mot de partenaire en dit assez sur sa connaissance de la relation que j'ai eue avec Wyanie. Quelle diablesse ! Me faire passer pour un lovelace devant Ounca Lou ! Voilà ce qu'elle veut ! » se dit Charles dans un premier temps. Puis, n'étant pas homme à laisser passer une perfidie sans y répondre, il fit face.
     
    – Wyanie, la fille du cordonnier de votre frère, est une charmante Indienne qui pratique on ne peut mieux l'hospitalité à la mode des Taino. Grâce à elle, le célibataire que je suis, qu'aucune présence féminine ne vient habituellement distraire, a passé une agréable soirée. J'ai appris de sa bouche, car elle sait l'anglais, la signification des chants et danses que nous offraient ceux de sa tribu, dit-il pour banaliser l'événement.
     
    – Bien sûr ! Bien sûr ! Ces petites ne souhaitent que rendre service à l'étranger en l'initiant à toutes les coutumes indiennes, persifla Lamia en insistant sur le mot toutes.
     
    – J'attends maintenant qu'elle me présente son fiancé, ajouta Desteyrac avec désinvolture.
     
    Ounca Lou ne tint pas compte de

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