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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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de provoquer l'insulteur de Victoria, Tilloy dit croire au fair-play des Irlandais pour se battre loyalement.
     
    – Vous qui avez traité Sa Majesté, la reine Victoria de dinde, montrez-moi si vos poings valent votre langue, ordonna-t-il.
     
    – Tiens, milord a trop de dents ! Il veut qu'on lui en fasse sauter quelques-unes, ricana le docker.
     
    Parmi les rires et les encouragements de ses compatriotes, il s'approcha, poings serrés. Il ne fit que trois pas et, contre toute attente, avant qu'il ait pu esquisser le moindre geste, Mark Tilloy le cueillit d'un uppercut du gauche à la face, doublé d'un direct du droit à l'estomac. Ces coups classiques, qu'eût appréciés un arbitre de boxe, envoyèrent le gaillard s'affaler, pâle et les yeux révulsés, dans les bras de ses camarades.
     
    – Attention, Charles, c'est maintenant que les choses sérieuses vont commencer. N'attendez pas. Comme moi, frappez le premier, murmura le lieutenant.
     
    Sitôt revenus de leur stupéfaction, les Irlandais passèrent à l'action et se ruèrent sur les deux étrangers. Avant même de se mettre en garde, Charles reçut un coup de poing qui lui fit éclater la pommette. Cette blessure le mit en fureur, et dès lors, oubliant Victoria et l'Union Jack, il se battit pour son propre compte.
     
    À Polytechnique, il avait appris d'un maître de savate la boxe française, qui met en œuvre les quatre membres. Il se souvint de la leçon. De la pointe du pied droit, il décocha un coup si violent au bas-ventre de son adversaire que l'homme suffoqua avant de s'effondrer, replié sur lui-même. Cette réplique indigna si fort les Irlandais que l'un d'eux se saisit d'un tabouret et marcha sur Charles. L'ingénieur esquiva sans peine l'assommoir improvisé et Tilloy, qui venait de se débarrasser d'un autre agresseur, réussit un croche-pied qui déséquilibra l'homme, le mettant en position d'offrir sa nuque à Charles. Du tranchant de ses mains jointes, l'ingénieur assena à l'Irlandais un coup qui lui fit lâcher le tabouret et s'étaler à plat ventre entre les combattants, maintenant décidés à s'unir pour rosser les étrangers sans souci de fair-play.
     
    Les deux ne seraient pas sortis indemnes de l'affrontement si Tom O'Graney, émergeant de l'arrière-salle du pub où, avec d'autres marins, il lutinait des filles à un dollar le baiser, n'était apparu, les yeux écarquillés à la vue de Tilloy et Desteyrac qui, dos à dos, se préparaient à subir un assaut concerté des dockers.
     
    – Mais… mais qu'est-ce qui se passe ? cria-t-il de sa voix de fausset en bousculant sans ménagement ceux qui le séparaient de l'officier et de l'ingénieur.
     
    – Heureux de vous voir, Tom ! lança Tilloy avant de gifler à toute volée un Irlandais qui s'apprêtait à ramasser le tabouret abandonné.
     
    Haut de plus de six pieds, large et massif, le maître charpentier vint se placer devant les deux amis et fit face à leurs adversaires.
     
    – Maintenant, nous sommes trois, annonça-t-il avec l'aigu d'un haute-contre en dégageant par le retroussis de ses manches d'énormes avant-bras velus.
     
    – C'est pas ton affaire, Tom ! Ces Anglais sont venus nous narguer dans notre pub. Laisse-nous les accommoder à l'irlandaise, dit un débardeur en avançant d'un pas.
     
    O'Graney tordit à pleine main, à hauteur de poitrine, la vareuse de l'homme qu'il immobilisa sans effort.
     
    – C'est mon affaire, au contraire ! Le second lieutenant du Phoenix et Monsieur l'Ingénieur, qui est français, ne sont pas venus vous narguer, mais me voir. Retournez à vos pichets et laissez-les en paix, sinon…
     
    – Sinon, on vous assomme tous ! cria quelqu'un du seuil de la porte.
     
    Charles reconnut le maître d'équipage du Phoenix qui, suivi d'une demi-douzaine de marins armés d'espars, répondait à l'appel de Tilloy. Le docteur David Kermor, souriant et guilleret, portant sa trousse à pansements, faisait partie des renforts.
     
    Aussitôt, les hostilités cessèrent et Charles glissa quelques mots à l'oreille de Tom O'Graney, devenu un ami dévoué depuis que les travaux du pont de Buena Vista avaient rapproché les deux hommes.
     
    – Ils ne le méritent pas ! protesta le charpentier, répondant à la discrète requête de Desteyrac.
     
    – Ce sont de braves types. Le lieutenant et moi, nous oublions cette stupide querelle. Parlez-leur, insista Charles.
     
    – Monsieur l'Ingénieur, qui aime bien

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