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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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prise pour amabilité seigneuriale, lord Simon était le gentleman le plus entouré. On admirait sa prestance et, en lui, le symbole vivant de la vieille Angleterre que Sa Grâce représentait aux yeux des descendants des premiers colons, eux dont les ancêtres avaient vécu dans des cabanes de rondins, cultivant le maïs des Indiens et filant pour se vêtir la laine de leurs moutons.
     
    Charles et Malcolm furent présentés au fondateur d'une société pour la suppression du vice à qui Murray, déjà éméché, déclara qu'il comptait fonder prochainement une société pour l'extension du vice. Desteyrac dut s'entremettre pour éviter un incident en assurant au puritain qu'il s'agissait, bien sûr, d'une plaisanterie typiquement anglaise.
     
    Tandis que Murray s'éloignait, Jeffrey conduisit Charles devant une dame vêtue comme une chambrière, coiffée à la diable et n'ayant pour tout bijou qu'un vieux dollar d'argent monté en broche.
     
    Il nomma l'ingénieur à celle dont la fortune était évaluée à trente-cinq millions de dollars et qui, habile en spéculations foncières, possédait assez de terrains à bâtir pour doubler le nombre des immeubles de la ville.
     
    – Cher ami, l'homme le plus riche de New York est une femme, Alicia Alvin, murmura Jeffrey à l'oreille de Charles.
     
    – Venez me voir un de ces matins. J'habite une pension de famille dont Jeffrey vous donnera l'adresse. J'aime à converser avec les ingénieurs. Ils ont parfois de bonnes idées, dit Alicia Alvin à Charles.
     
    Le banquier confirma que cette millionnaire logeait dans une pension minable du Bronx, vivait comme une pauvresse, ne buvait que de l'eau et portait les robes dont ses amies ne voulaient plus.
     
    Après le banquet, au cours duquel on servit, entre autres mets, saumons entiers, pains de volaille, faisans farcis, dindes aux truffes, crèmes glacées aux fruits, le tout arrosé de vins médiocres, lord Simon dut ouvrir le bal avec Anaïs Sampson, tandis que Jeffrey enlevait sa cousine avant de la confier à son fiancé, que beaucoup de jeunes gens enviaient.
     
    Au contraire de son cousin, lord Simon ne goûtait pas plus l'agitation affairiste de New York que les mondanités à la mode américaine. Posté dans une embrasure de fenêtre, le sourcil froncé, muet comme un turbot, il ne se dérida qu'à la vue de Charles, débarrassé de sa cavalière dès la première valse. Lyne Cornfield, gourmande comme une chatte, avait repris trois fois de la crème glacée au chocolat. Elle venait d'être reconduite, pleurnichante, pâle et nauséeuse, à Washington Square.
     
    Sa sœur Ann n'avait pas encore fait son entrée dans le monde et n'aurait donc pas dû assister au bal. Avec l'aide de Dorothy Weston Clarke, elle s'était maquillée pour paraître dix ans de plus que son âge. Cavalière désignée de Mark Tilloy, superbe dans son uniforme blanc, elle valsait, béate, avec le lieutenant qui, par respect de l'étiquette puritaine, guidait sa danseuse par la pointe des coudes. Dès que l'officier l'abandonnait pour inviter, à la discrète demande de Jeffrey Cornfield, l'épouse embijoutée d'un armateur ou d'un marchand de bois, Ann faisait la moue et montrait, aux jeunes gens prêts à entraîner cette héritière dans un galop, un carnet de bal déjà complet.
     
    – À mon avis, la petite a toutes les chances de connaître enfin avec Mark les plaisirs qu'elle attend du mâle, observa Malcolm en confiant à Charles la belle Alsacienne, suivante d'Ottilia, pour se consacrer, le temps d'une mazurka, à sa cousine.
     
    – Vous êtes rayonnante, Gertrude. Vous représentez avec grâce, au milieu de ces dames et demoiselles américaines un peu empruntées, tous les charmes de notre belle province d'Alsace, dit Charles en dansant.
     
    Le décolleté de Mlle Lanterbach s'empourpra d'un érythème pudique, comme chaque fois qu'on lui faisait compliment. Le badinage accepté, confiante dans la discrétion d'un compatriote, elle ne cacha pas sa préoccupation.
     
    – Monsieur Desteyrac, pensez-vous que l'union qui se prépare soit raisonnable ?
     
    – La question m'a déjà été posée. Elle n'appelle qu'une seule réponse : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point », cita Charles, peu enclin à donner à la suivante l'avis qu'il refusait à la maîtresse.
     
    – Pour le moment, je suis heureuse, monsieur, et je voudrais tant que lady Ottilia le fût aussi !
     
    – Vous qui

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