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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Du genre de cette Andromaque qui « pleure en secret le mépris de ses charmes », cita-t-elle pour détendre l'atmosphère.
     
    – Je connais au moins un homme sur cette île qui n'a jamais méprisé vos charmes et qui m'a dit avoir été fort amoureux de vous, osa Desteyrac.
     
    Ounca Lou haussa les sourcils, mais Fish Lady se mit à rire.
     
    – Carver, pardi ! Le major, ce cher major ! Il vous a dit avoir été amoureux de moi ! C'est ma foi vrai. J'ai cru un moment – oh, il y a bien longtemps… – qu'il voulait m'épouser pour plaire à mon frère, que j'ai toujours défié. Le major l'aurait débarrassé d'une sœur indépendante et irascible. Puis, avec le temps, j'ai compris qu'Edward était sans doute sincère et désintéressé. Nous sommes maintenant comme deux vieux champignons au creux d'un chêne.
     
    – N'était-ce pas un parti convenable ?
     
    – Convenable ! Edward est froid comme une lame, sentencieux, attaché à l'ordre domestique jusqu'à la maniaquerie. Et puis, je déteste les militaires qui sentent le tabac et la lessive, répliqua Lamia, retrouvant après un moment d'abandon sa causticité.
     
    Le repas fut joyeux, Ma Mae ayant reçu l'ordre, dès le premier service, de mettre une bouteille de champagne au rafraîchissoir. Quand Charles se prépara à prendre congé pour repasser sur Soledad, Ounca Lou décida de l'accompagner jusqu'au va-et-vient, n'osant envisager, en présence de sa marraine, de passer la nuit à Little Manor.
     
    C'est alors que lady Lamia, prenant sa filleule par la taille, l'éloigna pour l'entretenir sans être entendue de l'ingénieur. L'aparté fut bref et la jeune fille rejoignit Charles. Après un au revoir rapide, tous deux quittèrent la maison.
     
    – Si ce n'est pas indiscret, puis-je savoir ce que vous a dit votre marraine ? demanda Desteyrac en marchant vers le panier volant.
     
    – Elle m'a dit : « Emporte tout de même une chemise… les nuits sont encore fraîches », rapporta gaiement Ounca Lou en montrant le sac que lui avait discrètement remis Lamia.
     

    Ils s'éveillèrent au lever du soleil et se baignèrent dans un océan lisse comme un parquet, pendant que Timbo préparait une collation qu'ils partagèrent avant qu'Ounca Lou ne regagne Buena Vista. Elle ne voulait pas que Lamia se sentît totalement privée de sa présence et, désormais, comme exclue de sa vie.
     
    Bientôt, une vingtaine d'ouvriers arrivèrent, conduits par Tom O'Graney. Les tâches furent distribuées et les équipes se mirent au travail pour établir, avec rails et rouleaux à cannelures, l'appareil de roulage. Il devait être aussi long que le tablier du pont et assez résistant pour supporter l'ouvrage pendant sa construction et son lançage. Achevé sur son support comme un wagon sur des rails, le pont rendu mobile serait propulsé au-dessus du goulet à l'aide des câbles mus par le cabestan qu'une équipe allait installer sur la rive de Buena Vista. Au cours de la mise en place du pont, un autre appareil de roulage, plus court, recevrait sur l'îlot l'extrémité du tablier.
     
    À partir de ce jour, Charles passa le plus clair de son temps sur le chantier et, le 26 mai, les chemins de roulage étant achevés, on put commencer l'assemblage, pièce à pièce, de l'ouvrage. Quand cessait le travail et que les ouvriers se dispersaient, l'ingénieur voyait arriver Ounca Lou à bord de sa petite barque à voile, quand le temps le permettait, ou par le va-et-vient en cas de mer agitée. À l'heure où le soleil déclinait, lustrant de cuivre rouge les ondulations de l'océan, les amants prirent l'habitude, la plage de sable rose et la baie étant désertes, de se baigner nus. Ils nageaient, se poursuivaient, plongeaient pour remonter un coquillage dont Ounca Lou disait le nom savant sans hésiter. Un frôlement involontaire de leurs corps immergés suffisait à éveiller le désir, à les faire s'enlacer pour un long baiser salé. Venait ensuite le dîner préparé par Timbo. L'Arawak, pris d'une admiration béate pour Ounca Lou, amusée de s'entendre appeler Mame, allait en cachette demander des conseils culinaires à Ma Mae, la cuisinière de lady Lamia. Pendant le repas, il arrivait que la jeune fille posât sur la table, près du couvert de Charles, la fleur d'hibiscus qu'elle portait sur l'oreille. Ce geste, emprunté au code amoureux des femmes arawak, signifiait qu'elle brûlait de se lover dans les bras de son amant.
     

    La

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