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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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lord Simon montra à ses invités habituels le crâne de cristal, posé sur un socle de corail, dans son salon, tous le considérèrent avec une admiration mêlée de respect et d'angoisse. À la lueur des chandelles, les yeux de cette très ancienne idole prenaient tous les caractères de la vie, et, par le jeu subtil des doubles réfractions voulues par l'artiste aztèque, semblaient suivre, peut-être surveiller, le visiteur dans ses déplacements.
     
    – Vous aviez souhaité offrir cette pièce de musée à Sa Majesté, la reine Victoria, rappela Edward Carver.
     
    – Rien ne presse, major. Et puis, je me demande si le climat de Londres lui réussirait. Je pense maintenant que ce crâne, qui, d'après mon vieil ami Maoti-Mata, cacique des Taino, aurait la vertu de protéger du malheur celui qui l'héberge avec courtoisie, est aussi bien chez moi qu'à Windsor, dit lord Simon, ce qui fit sourire la compagnie.
     

8.
     
    Le 13 mai 1856, le transport des éléments du futur pont de Buena Vista fit sensation. Primesautiers, aimables et gais, les Arawak avaient l'art de transformer en fête tout événement sortant de l'ordinaire. Dispersés au long du littoral, hommes et femmes, assis jambes pendantes au bord des falaises ou campés sur les récifs côtiers, leurs enfants courant sur les plages, suivirent la progression d'un étrange convoi entre le port occidental et Southern Creek. Des radeaux, remorqués par l' Argonaut , le plus petit des voiliers de la flotte Cornfield, étaient maintenus dans le sillage du bateau par deux grandes chaloupes bahamiennes à dix rameurs chacune. Au chant des Arawak rythmant le battement des avirons répondaient de bruyants encouragements des spectateurs en dialecte lucayen.
     
    Le cacique des Taino, Maoti-Mata, s'était déplacé jusqu'à Pink Bay, en compagnie de trois de ses fils et d'une douzaine de ses petits-enfants, pour voir comment les ouvriers recrutés avec sa permission – insulaires qu'il considérait comme ses sujets, avec plus de raisons sans doute que la reine Victoria – procéderaient au transport des lourdes pièces de fer.
     
    L'ingénieur Charles Desteyrac, qui attendait le débarquement de la cargaison, s'était empressé d'offrir un fauteuil au vieux chef afin qu'il pût suivre, de la galerie de Little Manor, les efforts des siens. Timbo servait rafraîchissements et fruits quand le convoi parut. Commandé par Lewis Colson, l' Argonaut , ne pouvant risquer un échouement, largua l'aussière de remorquage et mouilla l'ancre à l'entrée de la baie, tandis que les marins mettaient un canot à la mer. Le commandant souhaitait diriger lui-même le déchargement de ce qu'il nommait la « quincaillerie de M. Desteyrac ».
     
    En moins de deux heures, toutes les pièces enlevées des radeaux se trouvèrent rassemblées au bas de la pente, devant le chemin de schlitte établi par les charpentiers. Bien que la dénivellation entre la plage et le plateau ne fût que d'une soixantaine de pieds, Lewis Colson, pour assurer un meilleur glissement des pièces de fer, fit répandre de l'huile sur les rondins. Aussitôt les Arawak, tels les bateliers de la Volga, s'attelèrent aux cordes et hissèrent jusqu'au plateau les éléments du pont, la grue manuelle, le cabestan et sa petite machine à vapeur, les sacs de rivets et l'outillage nécessaire à la construction de l'ouvrage.
     
    – En voyant ces hommes travailler, on comprend mieux comment les Égyptiens ont pu construire les pyramides, commenta Malcolm Murray, venu en curieux.
     
    – Nous allons pouvoir organiser le chantier et entreprendre, enfin, l'assemblage du pont, dit Charles, satisfait.
     
    Avant de regagner l' Argonaut , Lewis Colson annonça à l'ingénieur qu'il mettait à la voile le lendemain pour New York, avec le Phoenix , pour être de retour à la fin du mois, le mariage de lady Ottilia étant fixé au 7 juin. L'officier confirma que Tom O'Graney restait à la disposition de l'ingénieur, ainsi qu'une douzaine de marins de bon comportement.
     
    Enjoué, Malcolm Murray confia à Charles qu'il serait du voyage aux États-Unis.
     
    – Je suis chargé d'assister le major Carver, que lord Simon délègue pour accueillir en son nom, à bord du Phoenix , les Sampson, Jeffrey T. Cornfield et autres invités. Cela me permettra de revoir plus tôt Gertrude, même si je dois payer ce plaisir de deux ou trois jours de mal de mer.
     
    – Vous emmenez aussi Mark Tilloy, et lui ne

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