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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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amie. Otti envie toutes les femmes, Charles. C'est difficile à admettre, mais un jour, peut-être, vous comprendrez ce que je tente d'exprimer.
     

    La saison des ouragans atteignit son paroxysme le 10 août. L'archipel des Bahamas en souffrit moins que la côte américaine quand Last Island – que les Louisianais francophones nommaient Isle Dernière –, située dans le golfe du Mexique, près du delta du Mississippi, fut submergée par un raz de marée qui détruisit toutes les habitations et noya cent trente-sept personnes. Après ce redoublement de violence, les tempêtes s'espacèrent, l'intensité des vents diminua et la fin de l'été fut sereine.
     
    – La mauvaise période est passée, assura Tom O'Graney de sa voix de fausset.
     
    Habitué au climat, l'Irlandais invita l'ingénieur à rouvrir le chantier dès le 15 septembre pour parachever la construction du pont. Restait à fixer les longues poutrelles arquées qui, tout en augmentant la rigidité de l'ouvrage, lui donneraient, malgré son tablier horizontal, l'aspect d'une arche.
     
    Le beau temps revenu, Ounca Lou reprit ses visites à Little Manor pour le plus grand plaisir de Charles.
     
    Le bain du soir, devenu rituel pour les amants, quand Pink Bay était vide, tandis que Timbo préparait le repas, offrait à l'ingénieur la meilleure détente après la journée de travail. Le soleil avait donné à sa peau la même couleur bronze clair que celle du corps d'Ounca Lou. Il tirait fierté de cette harmonie.
     
    Un soir, alors que les amants, se tenant par la main, sortaient nus et rieurs de l'océan, ils aperçurent avec stupeur, immobile sur la plage, une femme vêtue de blanc qui les regardait.
     
    – Bon sang, c'est lady Ottilia ! jeta Charles à sa compagne, comme lui figée par la surprise.
     
    – Visite inattendue, dit Ounca Lou sans se troubler.
     
    – Faites un détour, rentrez à la maison et envoyez-moi Timbo avec un pantalon, ordonna-t-il.
     
    Avant que la jeune fille ne se fût élancée, la visiteuse s'était écroulée sur le sable. Assise, les genoux relevés, elle cachait son visage dans ses bras croisés. L'ingénieur se remit à l'eau pour cacher sa nudité en attendant Timbo.
     
    – J'ai pas vu la lady veni', mossu, dit l'Arawak en tendant à Charles un pantalon de toile.
     
    En trois enjambées, l'ingénieur fut près d'Ottilia.
     
    – Eh bien, vous auriez pu vous faire annoncer !
     
    Elle releva lentement la tête, écarta ses cheveux et montra un visage défait, trempé de larmes.
     
    – Pardon, pardon, pardon, articula-t-elle, nerveuse et confuse, entre deux sanglots.
     
    Charles s'assit près d'elle et lui entoura l'épaule de son bras nu.
     
    – Ottilia, pourquoi ces larmes ? Oui, pourquoi ? Que se passe-t-il ?
     
    – Vous étiez si beaux, tous deux, vous tenant par la main… Un couple de commencement du monde… Adam et Ève absous, voilà, voilà ce que j'ai vu ! Merveilleuse et cruelle apparition ! Oh, Charles, me pardonnerez-vous jamais ?
     
    – C'est fait, rassurez-vous et séchez vos yeux…
     
    Elle se leva, secoua le sable de sa jupe, serra une mousseline sur ses cheveux rassemblés, recouvra sa maîtrise.
     
    – Je dois rentrer au manoir avant la nuit. Le cocher de mon père m'attend, dit-elle en désignant le plateau.
     
    – Ne voulez-vous pas dîner avec nous ? Vous rentrerez plus tard.
     
    – Non, je ne puis. Ne m'accompagnez pas. Adieu, Charles, dit-elle d'une voix enrouée.
     
    Tandis qu'elle gravissait le talus derrière la maison, Desteyrac suivit du regard la frêle silhouette qui se découpait en haut de la pente sur le ciel mauve. Quand il entendit la calèche démarrer, il regagna sa maison.
     
    – Vous auriez dû la retenir. Cette visite est si étrange, dit Ounca Lou.
     
    – Plus étrange encore ce qu'elle m'a dit de nous, indiqua Charles avant de rapporter, mot pour mot, les propos de la fille du lord.
     
    – Je crois comprendre. Ce n'est pas de la jalousie à mon encontre. Ce doit être bien plus terrible, murmura Ounca Lou.
     
    – Que signifie cela ? Vous avez l'air de connaître des choses que j'ignore.
     
    – Marraine m'en a confié qui peuvent expliquer le comportement d'Ottilia. Mais seule Lamia pourrait vous dire ce qu'il ne m'appartient pas de divulguer.
     
    – S'il en est ainsi, allons tout de suite la voir. Venez ! dit Charles, déterminé.
     
    Ils passèrent sur Buena Vista par le va-et-vient et trouvèrent

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