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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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approchait des îles portugaises, une violente tempête se leva. Au large de Ponta Delgada, la houle devint si forte qu'elle obligea le capitaine Colson à éloigner son navire de la côte avant de mettre à la cape, voilure réduite sous grand hunier et foc d'artimon. À la lueur des éclairs, d'énormes vagues, soulevées par un vent du nord violent, ballottaient le navire, devenu soudain d'une inquiétante fragilité. Les membrures gémissaient, les mâts ployaient, des enfléchures et des drisses rompues battaient les haubans, tandis que l'océan, écumant de rage, escaladait le bastingage, noyait si copieusement le pont que les dalots engorgés ne pouvaient évacuer l'eau.
     
    C'est au cours de cet épisode, et bien que la consigne eût été donnée aux passagers de ne pas quitter leur chambre, que Malcolm Murray décida qu'il devait tenir compagnie à sa cousine, enfermée et sans doute morte de peur dans l'appartement du carrosse.
     
    Cramponné aux verrous bien serrés de sa fenêtre, close mais giflée par la pluie, Charles admirait le spectacle de la mer en furie, quand il vit le jeune Anglais qui s'élançait vers l'arrière du navire, mais ne fit pas trois pas. Une lame balaya le pont, arracha un lourd espar de ses supports qui, projeté par l'eau, frappa de plein fouet la jambe de l'architecte, lequel s'effondra, terrassé par le choc. Charles se précipita aussitôt pour le relever, au risque d'être lui-même culbuté par une déferlante. Le maître d'équipage, qui, de la dunette, avait vu la scène, vint aider l'ingénieur à transporter Murray, à demi conscient, dans la chambre la plus proche, celle de Desteyrac. Allongé sur le lit, Malcolm dit beaucoup souffrir de la jambe, entre genou et cou-de-pied.
     
    – Tudieu, il a peut-être un os cassé ! grogna le marin. Empêchez-le de bouger, monsieur, je vais quérir Uncle Dave.
     
    Le médecin, qui venait de panser un pied écrasé par un panneau d'écoutille, vint examiner le blessé.
     
    – Pouvait pas rester au sec, cet olibrius ! grommela-t-il en palpant, d'une main assurée, le tibia et le péroné de Murray, qui ne put retenir un cri de douleur. Bon. C'est là, hein, bien là ? vérifia le médecin.
     
    Une autre pression sur l'ecchymose déclencha une nouvelle plainte de l'Anglais.
     
    – Fracture du tibia. Sans doute simple et sans déplacement, diagnostiqua Uncle Dave.
     
    – Que doit-on faire ? demanda le maître d'équipage.
     
    – Rien, puisqu'une réduction n'est, à première vue, pas nécessaire, dit le médecin avant de s'adresser à Murray, consterné : Ne faites pas cette mine. Par chance, c'est une bonne fracture. Vous allez attendre sans bouger que j'en aie terminé avec d'autres imprudents de votre espèce. Plus tard, je poserai sur votre jambe un appareil inamovible de Seutin, pour immobiliser le membre jusqu'à ce que les fragments d'os se recollent d'eux-mêmes. C'est simple.
     
    – Je pourrai marcher ?
     
    – Certes non ! Pas avant quarante ou cinquante jours. Dans deux ou trois semaines, si vous savez vous servir de béquilles, en prenant appui sur votre seule jambe gauche, nous verrons. En attendant, pas un mouvement, sinon je ne réponds de rien et vous aurez, comme Ignace de Loyola, une jambe torse, qu'il faudra casser pour la remettre droite afin de continuer à plaire aux belles dames, lança Uncle Dave, gouailleur.
     
    – Peut-on ramener l'honorable Malcolm Murray chez lui ? demanda Charles, décidé à n'héberger l'Anglais que le temps nécessaire.
     
    – Deux hommes pourront le transporter sur une planche, mais pas avant que ce sacré temps ne s'arrange. Votre ami est assez cassé comme ça, dit Uncle Dave.
     
    Enfonçant son bonnet et boutonnant son manteau de toile huilée, le médecin regagna le poste d'équipage où d'autres blessés l'attendaient. Charles se retrouva bientôt seul avec Malcolm, qui souffrait au moindre mouvement.
     
    – Vos projets d'évasion me paraissent compromis, observa l'ingénieur.
     
    – Oh, attendons demain. Si je puis tenir debout avec des béquilles, une fois ma jambe bien serrée dans des attelles et des bandes, rien n'est perdu. Il me faudra juste assez de forces pour descendre dans la chaloupe, que ça plaise ou non à Carver. Mortimer me soutiendra et, s'il le faut, je passerai quelques jours à Ponta Delgada pour me remettre. Vous m'aiderez, n'est-ce pas, à quitter ce bateau ? dit Murray, suppliant.
     
    – Si c'est utile, je

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