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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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généraux, un constructeur de locomotives et un éditeur réputé ? Afin de maintenir la santé de son fils, souvent éprouvée par les abus en tout genre, sir Richard exige de lui un séjour annuel dans le Suffolk. Là, il impose à notre dandy la vie rude, virile et sportive, d'éleveur de moutons, ce que l'intéressé déteste.
     
    – Mais, n'est-il pas architecte ?
     
    – Pour vivre le reste du temps, à Londres, une vie facile et amusante, Malcolm a suivi, dit-on, des cours d'architecture, seule activité que Richard Murray, grand bâtisseur de bergeries, de granges et de filatures, accepta de financer. Car, malgré les largesses de sa mère, Malcolm a toujours fait des dettes. Les comédiennes emperlées, les artistes écornifleurs, le jeu, les tailleurs de Savile Row finissent par coûter cher. N'en étant pas à une inconséquence près, Malcolm se pique aussi d'idées subversives, élucubrations de nantis désœuvrés, assena Carver.
     
    – Il m'a dit, en effet, être familier de la famille Rossetti, qui héberge les révolutionnaires italiens de passage ou en exil à Londres, rappela Charles.
     
    – Et Malcolm a entraîné dans cette bohème factieuse sa cousine Ottilia, laquelle partage ses idées jacobines. On considéra trop longtemps cela comme un jeu mais, l'an dernier, Ottilia se voulut l'égérie d'un peintre irlandais républicain avec qui elle envisageait de changer la société en posant des bombes. L'homme a été arrêté par la police et envoyé au bagne en Australie. Sans l'intervention du Premier ministre, Ottilia eût été du voyage, bougonna le major.
     
    – Je conçois que Richard Murray ait voulu éloigner son fils de Londres.
     
    – C'était devenu impératif, pour une raison qui n'a rien de politique. Question de vie ou de mort pour notre jeune ami ! Sir Richard a su que son fils risquait de graves ennuis après avoir été pris en flagrant délit de fraude dans un cercle de jeu dont les tenanciers ne sont guère recommandables. Le père a payé les dettes, moins pour éviter à l'insolvable la prison de Newgate que pour soustraire le coupable à la vindicte des fermiers du tripot. Ces messieurs ont pour habitude de couper une main aux tricheurs. Telle serait la loi de leur milieu. Ce père, ennuyé, a donc décidé d'envoyer le coupable à Soledad se faire oublier du monde interlope qu'il fréquentait et, aussi, des agents du Home Office, qui ont l'œil sur les révolutionnaires, sérieux ou fantaisistes. Sachant ce qu'il risquait en restant à Londres, Malcolm a obtempéré sans plaisir, escomptant que son exil serait bref. Mais je crains que mon ami Simon ne goûte pas le rôle d'oncle rédempteur que sir Richard veut lui faire jouer, conclut le major en riant.
     
    – C'est égal, ce garçon me fait un peu pitié. Il est intelligent, a des goûts artistiques, ne manque pas de courage, puisqu'il supporte vaillamment la souffrance et la claustration. J'ai le sentiment qu'il a plus besoin d'amis sérieux et compréhensifs que d'admonestations. Il faut l'aider à découvrir qu'il y a d'autres plaisirs dans la vie que les mondanités, l'anarchie, le jeu, la chasse et l'amour vénal, dit gentiment le Français.
     
    – Vous parlez, monsieur Desteyrac, en homme sain et raisonnable. Puissiez-vous être entendu ! Lord Simon appréciera certainement l'intérêt que vous entendez porter à ce neveu dévergondé. Il est vrai que vous entrez dans la vie de Malcolm comme un élément neuf et généreux, au moment même où ce garçon est en position d'infériorité physique et morale. Je souhaite que votre compassion ne soit pas vaine, conclut le major en se retirant.
     

    Quarante-huit heures plus tard, avant de débarquer devant le port de Saint George, le meilleur des Bermudes, lady Ottilia fit transmettre à Charles, par sa suivante rougissante, une lettre portant la suscription : « À remettre en main propre à lord Simon Leonard Cornfield, en l'absence de tout témoin. » Le Français apprécia peu d'être traité en simple commissionnaire, la jeune femme n'ayant pas daigné lui apporter elle-même le pli destiné à son père. D'ailleurs, seul Malcolm Murray eut l'honneur d'une visite d'adieu de la belle Ottilia. Carver et le capitaine Colson ne se montrèrent pas. La veille, le major avait expliqué à Desteyrac : « Lady Ottilia est largement majeure, célibataire et libre de ses mouvements. Nous ne pouvons la retenir à bord contre son

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