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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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dans laquelle l'océan s'engage parfois avec fureur, Devil Channel, le goulet du Diable, acheva Mark Tilloy.
     
    – Si j'ai bien compris, c'est pour franchir ce gouffre infernal que je devrai lancer un pont, dit Charles, amusé.
     
    – Les Cornfield en ont fait construire plusieurs depuis un siècle. Tous furent emportés par des tornades. Le dernier, il y a quelques mois, lors du premier ouragan d'octobre. Cornfield compte donc sur un ingénieur comme vous pour bâtir un pont indestructible, conclut Tilloy avec sérieux, ce qui donna à penser à Charles que sa mission ne serait pas de tout repos.
     
    – Je ne pourrai m'engager à construire qu'après avoir étudié les lieux, évalué les risques et fait les calculs qui s'imposent pour un ouvrage de ce genre, dit Charles.
     
    – Ah ! J'oubliais deux choses, interrompit Tilloy, négligeant cette considération. Primo, Soledad est truffée de trous bleus…
     
    – Des trous bleus ! Qu'est-ce donc ? l'interrompit Charles.
     
    – Une des originalités de l'archipel. On en trouve aussi sur notre voisine, Cat Island. Ce sont des trous de six à douze pieds de diamètre, apparemment sans fond, dans lesquels une couche d'eau douce de deux ou trois pieds repose, sans s'y mélanger, à cause de la différence des densités, sur une masse d'eau salée. Par des réseaux submergés, ces trous communiquent avec l'océan. On l'a constaté, car il n'est pas rare d'y voir apparaître des débris d'épaves. Mais personne ne sait comment fonctionne cette sorte de siphon. Nos Arawak y voient les antres de monstres marins, qui entraînent les téméraires dans les abysses pour les y dévorer tranquillement. Moins craintifs, mais aussi superstitieux, nos marins se plaisent à penser que les trous bleus sont habités par des sirènes qui enlèvent les hommes pour en faire l'agréable usage que vous imaginez !
     
    – Intéressant. Mais je vous ai interrompu… Vous m'annonciez deux confidences. Il y a donc un secundo ? dit Charles.
     
    – Exact. Plus important que les trous bleus, vous devez savoir que l'îlot de Buena Vista est le domaine réservé de lady Lamia Cornfield, la sœur de notre lord. Elle y règne en souveraine absolue. Et, puisque tout à l'heure nous parlions des mystères insulaires, à mon avis, ceux de Buena Vista valent ceux des trous bleus, mais peut-être sont-ils moins irréels et plus facilement élucidables, compléta l'officier avec un sourire.
     
    Ce soir-là, dans sa chambre, alors que le Phoenix , voiles gonflées tels des ballons par les alizés, traçait sa route dans l'étrange prairie aquatique de la mer des Sargasses, Charles Desteyrac se dit que l'aventure, qu'il avait appelée de ses vœux, serait certainement au rendez-vous.
     
    1 D'après les relevés du milieu du XIX e  siècle. Aujourd'hui, d'après les autorités bahamiennes, on aurait dénombré dans l'archipel sept cents îles, dont une vingtaine seulement sont habitées, et deux mille cinq cents îlots. Inventaire sujet à caution puisque les géographes préfèrent parler en l'espèce de masses rocheuses émergeantes plutôt que d'îlots.
     
    2 Ensemble de peuples amérindiens qui durent se disperser sous la pression des Carib – Indiens caraïbes – et qui survécurent à Cuba et aux Bahamas.
     
    3 Toutes ces revendications furent mises en cause à plusieurs reprises. En 1882 par Gustave Fox, qui proposa Samana Cay. En 1941, par le vice-amiral Samuel Eliot Morison (1887-1976) qui, ayant suivi très exactement la route de Colomb, aboutit à Watling Island. En 1986, par Joseph Judge, rédacteur en chef du magazine National Geographic , qui, ayant intégré aux calculs de navigation les vents et la force des courants, négligés par ses prédécesseurs, aboutit, comme autrefois Gustave Fox, à Samana Cay, à soixante milles environ au sud-est de San Salvador. Mais, dès 1926, les autorités bahamiennes, alors sous tutelle britannique, lassées de ces tergiversations, avaient décrété que Watling Island était bien la San Salvador de Colomb. Depuis, sur toutes les cartes et dans les guides, l'île figure sous les deux noms.
     
    4 Un mile vaut 1 609 mètres.
     
    5 Un pied vaut 30,48 centimètres.
     

5.
     
    À l'aube du vingt-sixième jour de navigation, Soledad émergea de l'horizon. Les dernières étoiles s'éteignaient sur le ciel pâle, et le soleil s'annonçait dans une éruption éblouissante, quand le second lieutenant vint tirer Desteyrac du

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