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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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États-Unis…
     
    – … qui avaient fait une bonne affaire, reconnaissez-le, en doublant le territoire de l'Union au prix de neuf cents et demi l'hectare ! précisa Desteyrac.
     
    – Bonaparte avait sans doute besoin d'argent. Mais je passe sur les péripéties de cette campagne, à laquelle Alister Cornfield, le père de lord Simon, resté fidèle à la couronne d'Angleterre, tint à participer. Il avait aussi une raison plus personnelle d'aller se battre contre les Américains : son oncle Bertie, loyaliste opposé à l'indépendance des colonies anglaises, avait péri en combattant les insurgents dans les Carolines. Alister Cornfield quitta donc Soledad, laissant sa femme, enceinte d'un troisième enfant tardif – la future Lamia –, sa fille aînée Mary Ann – aujourd'hui lady Gordon, alors âgée de sept ans – et son fils Simon, treize ans à l'époque, aux soins de son père, lord Maxence, veuf à peine sexagénaire. Alister venait d'avoir trente-six ans et rêvait d'en découdre avec ces Louisianais, récemment entrés dans l'Union, qui parlaient plus souvent français et espagnol qu'anglais. Il rejoignit la flotte de Pakenham à Pensacola, en Floride, et fut aussitôt intégré à l'état-major du général Samuel Gibbs, adjoint de Pakenham. Il prit part dès 1814, dans le delta du Mississippi, aux combats au terme desquels Pakenham ne parvint pas à mettre la main sur le pays.
     
    – Il s'agissait bel et bien d'une tentative de reconquête coloniale, constata Charles.
     
    – Elle échoua lamentablement, car la bataille décisive eut lieu le 8 janvier 1815 à Chalmette, à six miles de New Orleans. Au dire des témoins que j'ai connus, ce fut un véritable carnage. Les soldats du général Andrew Jackson – il devait être à deux reprises président de l'Union, en 1829 puis en 1833 –, soutenus par les hommes de Jean Laffite, le fameux corsaire français, par des esclaves noirs et des Indiens choctaw, mirent le corps expéditionnaire anglais en déroute. Pakenham et Gibbs furent tués, ainsi que trois cent quatre-vingt-treize Britanniques dont, hélas, sir Alister Cornfield. Les Américains n'avaient à déplorer que sept morts et six blessés. Ayant à reconduire en Angleterre plus de mille cinq cents blessés, les rescapés de l'armée de Pakenham rembarquèrent le 19 janvier pour apprendre bientôt que leur sacrifice avait été vain puisque, deux semaines avant la bataille de Chalmette, la paix entre les États-Unis et la Grande-Bretagne avait été signée à Gand, le 24 décembre 1814.
     
    – Ce furent donc une bataille et des morts inutiles.
     
    – Défaite humiliante, mon ami, qu'effacèrent les survivants de l'armée de Pakenham en participant vaillamment, en 1815, à la bataille de Waterloo, qui mit définitivement un terme à la carrière de votre empereur, revenu pour cent jours de l'île d'Elbe, conclut le major.
     
    – Mon père, qui périt au cours des émeutes républicaines de 1830 en allant, comme médecin, secourir les blessés, fut aussi une victime inutile, puisque nous avons aujourd'hui au pouvoir le neveu du vaincu de Waterloo, Napoléon III, qui, comme son oncle, a violé la République, marmonna Charles Desteyrac.
     
    En hôte courtois, Edward Carver se garda de commenter la situation française et revint aux Cornfield.
     
    – Lord Maxence souffrit beaucoup de la mort de ce fils unique. Mary Ann, qui vit en partie à Londres, en partie à Manchester où son mari, lord William Gordon, dirige une importante filature – c'est chez eux que résidait Ottilia jusqu'à ce qu'on tente de nous la renvoyer –, et lord Simon, notre seigneur des îles, comme on se plaît à l'appeler dans l'archipel, conservent un vague souvenir de leur père. En revanche, leur sœur Lamia, née cinq mois après la mort de sir Alister, en juin 1815, n'a jamais connu l'auteur de ses jours.
     
    – Merci pour ces éclaircissements fort utile. Ils ne relèvent pas, croyez-moi, de la simple curiosité, dit Charles.
     
    – Je vous crois volontiers. Lord Simon étant fort pointilleux sur l'histoire de sa famille, il était bon que vous sachiez l'essentiel. Il vous en dira lui-même davantage s'il le juge utile. Mais, puisque vous êtes ici pour construire un pont in-des-truc-tible – le major insista sur l'adjectif – entre Buena Vista et notre île, vous devrez bientôt rencontrer Lamia.
     
    – On la dit très jalouse de son indépendance territoriale.

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