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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Simon, l'ingénieur avait été intrigué par cet homme dont la famille régnait depuis près de deux siècles sur Soledad.
     
    – Qui est en vérité lord Simon ? demanda Charles abruptement.
     
    – Je puis vous apprendre au moins ce qu'il convient de savoir pour ne pas commettre d'impair, dit le major.
     
    – J'apprécie votre proposition, acquiesça Charles.
     
    – Sachez déjà qu'une triste circonstance passée peut vous rapprocher de mon vieil ami. Comme vous, il devint orphelin très jeune. Son père, comme le vôtre, a péri de mort violente. Simon avait dix ans quand, en 1815, Alister, troisième baronet Cornfield, fut tué lors de la bataille de New Orleans.
     
    – La bataille de New Orleans ? s'étonna Charles, qui connaissait peu l'histoire des États-Unis.
     
    – La dernière de la guerre qui opposa les Anglais aux Américains entre 1812 et 1815.
     
    – Cette guerre est ignorée de la plupart de mes compatriotes, dit Charles.
     
    – Ce fut une guerre stupide et inutile, comme beaucoup d'autres, mais elle appartient à l'histoire de l'Amérique, observa le major, étonné par l'ignorance du Français. Dois-je vous la résumer ?
     
    – Ce serait m'instruire, répliqua modestement Charles.
     
    – Je pense que ce conflit eut son origine à la fois dans la rancœur des Anglais, qui venaient de perdre leurs colonies du Nouveau Monde, et dans la détestation des États-Unis pour ceux qui s'étaient opposés avec tant de violence et de mépris à l'indépendance du pays. L'existence des États-Unis avait été reconnue dès 1783 par le roi d'Angleterre, George III. Quand le souverain perdit la raison, son fils, le futur George IV, devenu régent du royaume en 1811, décida d'imposer un embargo afin d'interdire aux négociants et armateurs américains de commercer avec la France, alors en guerre contre l'Angleterre. Plus outrageant encore pour la jeune démocratie : la marine anglaise exigea le droit de visite sur tous les bateaux marchands des États-Unis, sous prétexte que les matelots anglais qui naviguaient à bord de ces navires devaient réintégrer la flotte britannique. Mes compatriotes n'hésitèrent pas à enlever des marins, et même des civils qui avaient pris passage sur des bateaux de l'Union, pour en faire de force des matelots de Sa Majesté !
     
    – Mauvaises recrues qui ne devaient penser qu'à déserter à la première occasion, observa Charles.
     
    – Le président des États-Unis, James Madison, et son gouvernement prirent fort mal ces procédés, qui rappelaient par trop la tutelle coloniale. Et puis, l'embargo décrété par Londres menaçait de ruine la marine marchande américaine, et l'on ne pouvait accepter que des frégates anglaises arraisonnent des bricks américains, comme ce fut le cas en mai 1811. Le gouvernement britannique de M. Castlereagh, ministre des Affaires étrangères du régent, rejeta les protestations américaines et, le 18 juin 1812, le Congrès déclara la guerre à la Grande-Bretagne.
     
    – Une guerre qu'ignorent nos livres d'histoire français, avoua Desteyrac.
     
    – On ne peut le reprocher à vos maîtres, cher ami. En ce temps-là, vos compatriotes subissaient d'autres maux. Napoléon I er avait engagé la France dans le conflit avec la Russie, puis avec la Prusse et l'Autriche, aventure qui se termina, comme vous le savez cette fois, en 1814, par la déchéance de l'empereur et le retour des Bourbons…
     
    – … qui ont été à leur tour évincés par le neveu de Napoléon I er , compléta Desteyrac.
     
    Carver fit signe à Poko de servir le yellow bird et reprit :
     
    – Pendant ces événements qui ensanglantaient l'Europe, les Américains, qui avaient envahi le Canada, alors sous autorité britannique, furent repoussés par les troupes anglaises. Ces dernières entrèrent dans Washington, brûlèrent le Capitole et d'autres bâtiments avant d'être chassées par une vigoureuse contre-offensive américaine. Ce fut peut-être pour venger ces défaites répétées au nord que sir Edward Pakenham, beau-frère du duc de Wellington, décida d'attaquer l'Union par le sud. Le général anglais, héros de la guerre d'Espagne, rassembla une flotte à la Jamaïque et mit à la voile pour le golfe du Mexique. Détestant les Français, qui faisaient alors figure d'alliés des Américains, il se proposait d'envahir la Louisiane, ancienne possession française vendue en 1803 par Bonaparte aux

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