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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Sir Edward a dû vous dire que j'ai beaucoup de soucis en ce moment.
     
    Le sourire du lord était chaleureux et son ton sincère.
     
    L'hôte entraîna son invité dans le long vestibule qui traversait la demeure d'une façade à l'autre. Décoré de nombreux tableaux qui représentaient des paysages anglais dans le goût de Crome et de Constable, meublé de consoles, de coffres anciens et de commodes qui supportaient quantité de bibelots, statuettes de bronze, biscuits, coupes armoriées, chandeliers d'argent, vases de Chine, il devenait, ainsi que l'annonça le maître de maison, « salle de bal les soirs de grande réception ». Charles repéra, de part et d'autre de ce hall palatin, la double envolée d'un large escalier qui conduisait à l'étage, et une succession de belles portes de chêne à deux vantaux donnant accès aux pièces du rez-de-chaussée. Cornfield ouvrit l'une d'elles et invita Charles à pénétrer dans un salon dont le mobilier n'eût pas été déplacé dans un hôtel de Mayfair.
     
    Une fois son visiteur installé près d'un guéridon sur lequel trônait un carafon de madère et de beaux verres en cristal taillé, lord Simon prit l'initiative de servir lui-même le vin – « nouveau témoignage de courtoisie », pensa l'ingénieur.
     
    – Bienvenue à Cornfield Manor, cher monsieur ! dit Simon Cornfield en levant son verre comme qui porte un toast.
     
    Charles but une gorgée de vin, exprima son plaisir d'être accueilli dans une si belle demeure, et attendit.
     
    – Alors, mon cher, vous avez pénétré, à ce qu'on m'a rapporté, dans l'antre de la sorcière… Je veux parler, bien sûr, de ma sœur, lady Lamia.
     
    – Je serais resté sur le seuil de l'antre si Mademoiselle votre Sœur ne m'avait très aimablement convié à prendre chez elle, d'abord un rafraîchissement, ensuite un excellent déjeuner.
     
    Lord Simon ne cacha pas son étonnement.
     
    – Eh bien, c'est une nouvelle ! Lamia vous voit pour la première fois, sans doute comme un intrus redoutable, et elle vous reçoit à sa table. My God , elle s'est civilisée ! Mais vous sentez-vous bien ? Elle n'a pas tenté de vous empoisonner, au moins ? lança gaiement Simon.
     
    – Elle voulait connaître le projet que vous m'avez chargé d'étudier, dit Charles sans relever la boutade.
     
    – C'est une fieffée curieuse, Lamia…
     
    – Curiosité légitime, puisque le pont prendra appui sur sa propriété et…
     
    – Sachez, cher monsieur, qu'il n'y a sur ces îles qu'un seul propriétaire : moi ! Buena Vista est le domaine que j'ai attribué à ma sœur, dont les modes de vie et de pensée sont différents des miens et de la plupart des gens civilisés, coupa Cornfield en posant assez brutalement son verre sur le guéridon.
     
    L'Anglais se carra dans son fauteuil, un peu confus de s'être laissé aller à un mouvement d'humeur en présence d'un étranger.
     
    – Elle a dû vous dire qu'elle est opposée à la construction d'un pont entre la grande île et son îlot, sur lequel j'ai une petite résidence où j'aime séjourner par les grosses chaleurs, reprit-il.
     
    – Elle m'a montré, de loin, votre petit manoir. C'est une construction très élégante et bien orientée pour recevoir la brise marine. Mais il est exact que lady Lamia estime inutile la construction d'un pont entre les deux îles. « Ce n'est rien, m'a-t-elle dit, d'aller d'une île à l'autre par la mer », ce qu'elle m'a fait faire à bord d'un voilier gouverné par un sourd-muet, dit Charles.
     
    Lord Simon haussa les épaules et vida son verre.
     
    – Je reconnais bien là ma sœur. Elle se croit persécutée et s'entoure d'étranges domestiques. Son sourd-muet fait partie des gardes du corps. Mais passons aux choses sérieuses : parlez-moi de votre inspection, Monsieur l'Ingénieur, poursuivit le lord.
     
    – Je me suis rendu compte que, même par mer calme, tout abordage à Buena Vista est risqué. Hormis un débarcadère branlant, il n'existe aucun accostage organisé. L'îlot, au contraire de Soledad, est dépourvu de plages. Les rochers plongent abruptement dans la mer et de nombreux récifs, dissimulés à marée basse, entourent cette pointe. Mark Tilloy, qui connaît les abords de l'îlot aussi bien que les pêcheurs, ne s'en approcherait pas quand la mer est grosse et le vent d'est fort.
     
    – C'est connu. Mais encore ?
     
    – Eh bien, j'ai trouvé la faille qui sépare Soledad de

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