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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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afin qu’il fût accusé, condamné ! »
    Elle se leva, formidable de fureur.
    « Mais qui êtes-vous donc ?
    – Je suis sa mère ! » dit Silvia en marchant sur l’homme.
    Le bandit tomba à genoux, son front toucha les carreaux :
    « Sa mère ! gémit-il, sa mère !… Cela devait arriver !… Et c’est moi qui l’ai fait arrêter !… Tuez-moi ! oh ! tuez-moi !… »
    La mère de Roland s’arrêta, stupéfaite.
    Le bandit leva vers elle un visage sombre et bouleversé.
    « Tenez, madame, reprit-il, j’ai, dans ma vie de bravo, tué bien des gens. C’est mon métier. Eh bien, pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression d’avoir commis un crime…
    – Explique-toi ! dit Silvia durement…
    – Votre fils… monseigneur Roland… J’ai été payé pour l’attirer dans un guet-apens. C’est lui qui m’a vaincu. Il pouvait me tuer, il m’a fait grâce.
    – O mon noble enfant ! murmura la mère.
    – Et puis, voyez-vous, continua Scalabrino avec une sorte de rudesse sauvage, ce qui m’a bouleversé l’âme, si j’en ai une ! ce n’est pas encore qu’il m’ait laissé la vie. La vie ! je n’y tiens pas tant que cela ! Mais si vous l’aviez entendu me dire : « Tu n’as pas eu peur ! » Il m’a parlé comme on parle à un homme, sans haine et sans mépris… Et moi, qui suis habitué à ne voir autour de moi que haine et mépris, cela m’a remué jusqu’au fond de l’être, cela m’a changé… »
    Scalabrino se releva, se mit à marcher avec agitation :
    « Et moi, pour le récompenser, j’ai travaillé à son arrestation. Je ne savais pas, c’est vrai. Mais j’aurais dû savoir !… Oui, là est le crime de ma vie. Aussi, madame, vous pouvez me tuer, si cela vous plaît. Et puis ce n’est pas tout, poursuivit-il avec désespoir. Vous qui êtes la mère de celui qui fait grâce, vous croyez que j’ai voulu vous sauver ? Sachez la vérité, la sinistre vérité… Je me suis jeté sur vous et je vous ai emportée parce qu’il m’avait promis cent écus pour vous tuer !…
    – Et pourquoi ne m’as-tu pas tuée ?
    – Ah ! voilà ! Est-ce que je sais, moi !… Dans le canal, j’ai été dix fois sur le point de vous jeter à l’eau. Ici, dans cette chambre, j’ai tâté la pointe de mon poignard en m’approchant de vous… Et je n’ai pas pu !
    – Je te plains, dit Silvia, et je te pardonne.
    – Elle me plaint ! Elle me pardonne ! Je tends mes filets contre le fils, et le fils me laisse vie sauve ! J’accepte d’assassiner la mère, et la mère me plaint et me pardonne ! Et voilà pourtant les êtres que frappe le malheur ! »
    Silvia alla à lui et lui prit la main.
    « Comment t’appelles-tu ? demanda-t-elle.
    – Scalabrino…
    – Eh bien, Scalabrino… veux-tu réparer le mal que tu as fait ? Veux-tu m’aider à sauver mon fils ? Veux-tu être à moi jusqu’à ce que Roland soit libre ? Veux-tu, sur un signe de moi, entreprendre l’impossible, frapper qui je te dirai de frapper, ne plus t’appartenir, être dans ma main l’arme prudente et impitoyable dont je dirigerai les coups ? »
    Le bandit étendit la main comme pour un solennel serment.
    « De ce moment, dit-il, je suis à vous. Commandez, j’obéis. Je suis votre esclave. Et dès cette minute, je vous dis : Par quoi ou par qui faut-il commencer ? Qui dois-je frapper tout d’abord ?… »
    Et la mère de Roland, d’une voix sourde, répondit :
    « Léonore Dandolo !… »
    q

Chapitre 8 LEONORE
    P endant les huit jours qui suivirent l’arrestation de Roland, Léonore, délirante de fièvre, fut suspendue sur cet abîme du néant où il semble que le moindre choc va précipiter l’être vivant que terrasse le mal. L’heure vint cependant où la pensée de la jeune fille se dégagea des brumes de la fièvre et où son jeune corps, d’une si charmante robustesse, vainquit la mort. Son père l’avait veillée pendant toute cette période d’angoisse.
    Dandolo aimait sa fille. Il pleura sincèrement. Il souffrit dans le silence de son cœur paternel les tortures ineffables de l’homme qui voit mourir sous ses yeux la chair de sa chair. Et lorsque Léonore fut enfin sauvée, il connut un moment la joie pure exempte de tout calcul.
    Altieri, pendant ces huit jours, ne se montra pas à lui. Il se contenta de rôder, en l’île d’Olivolo, se présentant vingt fois le jour ou la nuit à la porte de la maison, pour avoir des

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