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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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qu’elle tentait, revenons un instant dans le cabinet du Grand Inquisiteur.
    Il s’était affaissé dans son fauteuil, et méditait :
    « L’inéluctable s’accomplit donc !… Le cercle se resserre autour de moi… L’arrestation de Roland n’est plus qu’une affaire de quelques heures !… Oh ! Léonore se dressant devant moi et me demandant compte de mes trahisons et de mes mensonges !… C’est horrible. »
    A ce moment, on vint lui annoncer que le vieux Philippe, le gardien de la maison d’Olivolo, demandait à lui parler et qu’il avait trouvé un acquéreur.
    « Eh bien, dit-il presque joyeusement, tu as donc fini par trouver ?…
    – Oui, monseigneur.
    – Eh bien, il faut vendre au plus tôt… Qui est l’acquéreur ?
    – Un seigneur étranger qui m’a engagé comme gardien pour continuer dans Olivolo les fonctions que j’y avais.
    – Bon ! il n’y a donc qu’à faire cette vente au plus tôt.
    – Monseigneur, c’est pour aujourd’hui même. Ce soir, ce seigneur m’apportera la somme qui, une heure plus tard, sera chez vous.
    – Bien. Tu garderas deux cents écus pour toi.
    – Monseigneur est trop généreux. Voici, j’ai apporté l’acte ; monseigneur n’a plus qu’à y apposer sa signature. »
    Philippe plaça devant le Grand Inquisiteur un parchemin que celui-ci signa aussitôt.
    « Je ne vois pas le nom de l’acquéreur, dit-il.
    – Je n’ai pas voulu l’écrire, ayant la main plus habile au râteau et à la bêche qu’à la plume. Mais j’ai apporté un papier où le seigneur étranger a donné son nom que monseigneur n’aura qu’à transcrire. Ce papier, le voici. »
    Dandolo prit le papier et y jeta un coup d’œil.
    « Lui ! murmura-t-il, glacé. Lui !… Oh ! la fatalité !… »
    Et il demeura écrasé, pantelant, les yeux hypnotisés par ce bout de papier qui ne contenait que ce nom :
    « Jean di Lorenzo… »
    Jean di Lorenzo !… Roland Candiano !… C’était Roland Candiano le mystérieux acquéreur de la maison Dandolo !… Le Grand Inquisiteur leva sur le vieux Philippe stupéfait un morne regard. Puis, se rendant compte de ce que son attitude pouvait avoir d’étrange aux yeux de son serviteur, il balbutia :
    « A quelle heure cet homme doit-il venir ?…
    – Ce soir, monseigneur, vers sept ou huit heures.
    – Bien. Laisse-moi cet acte. Tu reviendras le chercher dans deux heures. »
    Le vieux Philippe s’inclina et se retira…
    Il faut maintenant que nous suivions la courtisane Imperia qui, on l’a vu, avait donné l’ordre à son gondolier de la déposer au palais du capitaine général.
    Elle se trouva tout à coup en présence d’Altieri qui, sombre, hautain, lui désigna un siège, alla s’assurer que nul n’écoutait aux portes, puis s’écria :
    « Il faut, madame, qu’un grave événement se soit accompli, pour que vous n’hésitiez pas à venir ici en plein jour… Nous avions convenu que nous ne nous reverrions jamais, depuis la nuit… De grâce, madame, hâtez-vous de m’exposer le motif de cette entrevue. »
    Elle le regarda en face :
    « Roland Candiano est à Venise », dit-elle lentement.
    A ce moment, derrière une tenture, une sorte de gémissement étouffé se fit entendre – un cri où il y avait de l’horreur, de l’épouvante, un étonnement immense. Mais ce cri, Imperia tout entière à sa pensée de haine ne l’entendit pas ! Altieri, écrasé de stupeur, ne l’entendit pas !
    Le capitaine général avait blêmi.
    « Il faut… courir… chez le Grand Inquisiteur, bégaya Altieri livide… le prévenir…
    – C’est fait !
    – Toute la police sur pied…
    – Ce doit être fait à l’heure qu’il est…
    – Prévenir le doge…
    – C’est votre affaire !
    – Prévenir le cardinal Bembo…
    – Il est mort !
    – Mort !… Bembo !…
    – Tué, assassiné par celui qui vient ! »
    Altieri se leva, alla décrocher deux pistolets, les amorça, les plaça tout armés sur une table, devant lui. Puis il essuya son front blême, et, d’une voix rauque, brève, prononça :
    « Dites-moi tout, n’oubliez rien !… ou, par le Ciel, nous sommes perdus. Je connais Roland. Si nous ne le tuons pas, sa vengeance sera affreuse.
    – Affreuse, c’est le mot ! dit Imperia en hochant la tête avec désespoir. Il a déjà frappé Bembo et moi…
    – Vous !… Comment ?
    – En m’arrachant ma fille !
    – Voyons, voyons ! dit Altieri.

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