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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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pourquoi votre ami ne m’a-t-il pas ramené ma fille ?… Qu’attend-il ?… »
    Roland garda un instant le silence. Peut-être un dernier combat se livrait-il en lui !
    « Mon ami a jugé qu’après avoir sauvé Bianca de Bembo, il fallait la sauver de vous-même !
    – De moi !… de moi ! sa mère !
    – Je vous ai dit le caractère bizarre de Paolo. Il m’a assuré qu’en vous arrachant Bianca…
    – Il m’arrache ma fille !… Ah çà ! est-ce qu’il compte la garder ?…
    – Oui, madame !
    – Et je ne la verrai plus ?…
    – Peut-être !
    – Votre ami est fou, monsieur ! Et vous-même vous êtes fou, vous qui venez annoncer à une mère qu’elle ne reverra plus sa fille. Voilà bien nos gens vertueux ! Par pudeur, substituant leur pensée à la mienne, ils veulent mettre ma fille à l’abri !… Ah ! les misérables !… Ils veulent sauver la fille et tuent la mère !… Mais vous ne savez pas de quoi je suis capable ! Je bouleverserai le monde, je le retrouverai, votre Paolo… et alors, malheur à lui !
    – Laissez-moi achever, madame, dit alors Roland. Mon ami a jugé que non seulement il fallait sauver votre fille, mais qu’il fallait vous punir, vous…
    – Me punir… moi !…
    – Oui ! Il paraît que vous auriez autrefois commis un crime que vous lui avez confessé…
    – Et de quel droit s’érige-t-il en juge ? De quel droit, après avoir surpris le secret de ma vie, prétend-il s’en servir pour me frapper ? »
    Roland se leva…
    « Vous invoquez le droit ! dit-il d’une voix basse et sifflante. Parlons-en donc. Lorsqu’un homme a été arraché au monde des vivants pour être enfermé six ans dans une basse fosse où il a failli devenir fou où il a pu se croire abandonné du monde et jeté dans une nuit éternelle, lorsque cet homme, revenu parmi les vivants, apprend qu’il a tout perdu, père, mère, amante, – je ne parle pas de la fortune, de la haute situation qu’il occupait, lorsqu’il retrouve les êtres d’enfer qui ont voulu, agencé, combiné froidement son malheur, croyez-vous qu’il ait le droit de se dresser devant des misérables et de leur dire : « A votre tour vous souffrirez dans votre chair et dans votre cœur, comme j’ai souffert dans mon cœur et ma chair ; à votre tour vous pleurerez, vous sangloterez, et puisque aucun de vous ne m’a fait grâce, n’attendez de moi ni grâce ni pitié !… »
    Imperia regardait cet homme qui parlait ainsi, avec des yeux agrandis par la terreur.
    « Qui êtes-vous ? oh ! qui êtes-vous ? » bégaya-t-elle.
    Roland reprit soudain tout son sang-froid.
    « Il ne s’agit pas de moi, madame, mais de mon ami Paolo… Madame, je considère ma mission comme terminée, je me contente de résumer votre situation et celle de mon digne ami… Paolo a été assez heureux pour sauver Bianca des mains de Bembo ; mais il croit nécessaire de ne pas vous la rendre.
    – Infamie ! infamie !… Et vous êtes infâme, vous, monsieur l’honnête homme qui vous prêtez à de telles combinaisons ! »
    Roland se leva, s’inclina pour prendre congé, et ajouta :
    « Je crois pouvoir vous dire, madame, que mon ami se fera un devoir de vous faire tenir des nouvelles de votre fille… mais je le sais obstiné…
    – Je ne verrai donc plus ma Bianca !… Soyez maudits tous deux ! Et que soit maudit aussi ce Roland Candiano que j’ai aimé ! Car c’est pour son compte que vous agissez ! C’est lui qui vous envoie ! C’est lui qui m’arrache mon enfant, qui m’arrache mon cœur ! »
    A ces mots, à ce nom soudainement jeté dans cet étrange entretien, la physionomie de Roland fut bouleversée ; il saisit les poignets d’Imperia, pencha sur elle un visage flamboyant, et d’une voix rauque, presque féroce, il gronda :
    « Vous maudissez Roland Candiano ! Il a suffi de votre contact impur pour qu’il fût à jamais maudit ! Rappelez-vous… Rappelle-toi ce que tes complices et toi vous avez fait de cet homme ! Oui, peu à peu, mon cœur s’ouvrait à la pitié… La pitié !… alors que si tu pouvais, tu m’étranglerais de tes mains ! La pitié !… »
    Il éclata d’un rire sauvage :
    « Souffre donc, pleure et désespère !… Jamais tu ne reverras ta fille… Jamais ! »
    Imperia s’était écroulée à genoux. Ses yeux exorbités demeuraient fixés sur cet homme avec épouvante. Elle eût voulu crier, supplier… aucun son ne sortait de

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