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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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sous ton costume de cavalier. Je viens de faire une commission à Mestre et m’en retourne à Venise.
    – Moi aussi.
    – Nous ferons donc route ensemble ! dit Gianetto.
    – Soit ! dit Scalabrino. Faisons route ensemble et causons. »
    Et le colosse, qui avait mis pied à terre, se mit à marcher près de Gianetto, en conduisant son cheval par la bride.
    Ce fut Gianetto qui lui fournit le prétexte à des questions.
    « Comment se fait-il, demanda le jeune marin, qu’on ne te voie plus parmi nous et que je te retrouve sur la route de Trévise, montant un beau cheval ?…
    – Et toi-même, Gianetto, que fais-tu donc par ici ?
    – Moi, c’est autre chose. C’est une commission que j’ai faite à un aubergiste… de nos amis.
    – Moi, reprit Scalabrino, c’est encore plus simple… Je me promène, voilà tout. Et pour qui était-ce cette commission ?
    – Pour le patron de la
Maria.
Tu ne connais pas la
Maria ?
La première barque du port, à la voile ou à la rame.
    – Et tu t’en retournes, maintenant ?
    – 
A l’Ancre d’Or. »
    Scalabrino tressaillit. Ce nom lui fut un trait de lumière. Il se souvint qu’en deux ou trois circonstances, il avait été, lui aussi,
à l’Ancre d’Or,
et que c’était là un des rendez-vous les plus sûrs pour les bandits que le hasard ou une affaire amenaient à Venise.
    L’Ancre d’Or,
c’était ce cabaret louche, cette taverne nocturne où Sandrigo était venu.
    « J’ai presque envie de t’y accompagner, reprit Scalabrino.
    – Viens ! tu seras le bienvenu.
    – Oui, mais j’ai quelque sujet de me défier des sbires.
    – Bah ! tu sais que jamais un sbire n’a mis les pieds à
l’Ancre d’Or…
Si… un seul, il y a six mois, il a tenté l’aventure, mais… il n’en est plus sorti ! dit Gianetto en éclatant de rire.
    – Bah ! et comment cela ?
    – Tu connais l’auberge, tu te rappelles la trappe qui est dans le fond de l’arrière-boutique ?
    – Oui : c’est la trappe de la cave. Une fameuse cave !
    – Plus fameuse que tu ne crois…
    – Raconte-moi un peu cela. Tu m’intéresses…
    – Eh bien, lorsque, par hasard,
l’Ancre d’Or
reçoit une visite désagréable, le patron, maître Bartolo, offre au visiteur déplaisant un gobelet de son meilleur vin, puis un autre, puis un troisième. Lorsque le visiteur en est à son sixième gobelet, il n’a plus les idées très nettes et il a de plus en plus soif. Comprends-tu ? Alors, maître Bartolo invite le visiteur à venir boire avec lui d’un vin qui est meilleur encore, mais qu’il faut boire sur place, dans la cave. Alors, le visiteur se lève en trébuchant, et maître Bartolo l’invite à le suivre. Il ouvre la trappe et le prie de descendre. Le visiteur descend. Lorsque, par hasard, il témoigne quelque répugnance à cette descente, on en est quitte pour l’aider un peu. Car il y a toujours à
l’Ancre d’Or
cinq ou six gaillards toujours prêts à rendre service aux braves gens qui veulent visiter la fameuse cave. Enfin, bref, lorsque le visiteur, de gré ou de force, est descendu, maître Bartolo referme tranquillement sa trappe.
    – Diable ! En sorte que le visiteur qui descend là pour boire finit par y mourir de soif ?
    – De soif ! s’écria Gianetto. Allons donc !… A peine est-il enfermé dans la cave que maître Bartolo s’en va droit au canal, et par une petite manœuvre connue de lui seul et de quelques rares amis, fait basculer une plaque de fer qui se trouve, dit-on, au-dessous du niveau de l’eau du canal. Cette plaque de fer masque un trou. Et ce trou, c’est la fenêtre de la cave… Alors l’eau se précipite. En quelques minutes, la cave est pleine d’eau… Tu vois que le visiteur n’y meurt pas de soif !
    – En effet, dit Scalabrino, pensif et frissonnant. Et tu dis qu’on a fait subir ce supplice à un sbire ?
    – Le seul qui se soit aventuré à
l’Ancre d’Or.
Mais la cave a servi pour d’autres aussi.
    – Pour qui ?
    – Pour les traîtres. Et pour ceux qui sont désignés à maître Bartolo par le grand chef.
    – Bon ! Et qui est ce grand chef auquel obéit si bien le digne Bartolo ?
    – L’homme à qui obéit maître Bartolo et qui est notre chef à tous en ce moment, c’est Sandrigo. »
    Si maître de lui que fût Scalabrino, il ne put retenir une exclamation de joie furieuse.
    « Qu’as-tu donc ? fit le marin déjà inquiet.
    – Rien ! dit Scalabrino en reprenant son

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