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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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scène violente, après les sarcasmes, après l’enlèvement de Bianca, lui pardonnait-elle ?… En quelques instants, elle eut pris son parti.
    « Eh bien ? reprit Scalabrino, as-tu reconnu l’homme.
    – Je le connais, dit Juana.
    – Son nom ?
    – Sandrigo. »
    Le colosse bondit, ses poings énormes se serrèrent violemment, son visage décomposé donna tous les signes de cette colère furieuse qui le faisait si redoutable.
    « Lui ! gronda-t-il. Eh bien, tant mieux ! Le vieux compte que nous avons à régler ensemble va se liquider d’un coup. Quand la chose s’est-elle passée ?
    – Il y a deux jours, dans la nuit.
    – Il a donc forcé les portes ? Elles sont solides, pourtant !
    – C’est moi qui lui ai ouvert. Ecoute… Il est venu, il a frappé, j’ai reconnu sa voix, j’ai cru qu’il était poursuivi ; alors j’ai eu peur, et tout a disparu dans ma pensée, sinon que je ne voulais pas que Sandrigo fût arrêté. »
    Scalabrino, d’abord étonné, l’observait attentivement. Tout à coup il comprit. Il alla à Juana, lui prit la main, et murmura :
    « Ma pauvre Juana… J’avais oublié cela, moi !… C’est si vieux ! Et je vois que c’est toujours jeune dans ton cœur !… Tais-toi, Juana, tais-toi ; ne me dis plus rien… Je comprends bien des choses que je n’eusse comprises avant d’avoir rencontré l’homme qui a fait de moi un homme. »
    Il s’assit tout pensif, hochant la tête, tandis que Juana, maintenant, laissait tomber ses larmes.
    « Ne crois pas au moins qu’il y a eu de ma faute en tout cela. Je me suis débattue, défendue. Il a fallu qu’il me lie et me bâillonne pour m’empêcher de défendre la jeune fille.
    – C’est bon ; n’en parlons plus. Je repars. Sais-tu quelle direction il a pu prendre ?
    – Comment le saurai-je ? J’étais liée. C’est le vieillard qui a coupé les cordes hier matin. »
    Scalabrino voulut se lever pour partir. Mais il s’aperçut alors qu’une immense fatigue le paralysait. Il s’accota à la table, et presque aussitôt s’endormit profondément.
    Vers cinq heures du matin, il se réveilla tout à coup.
    « Je crois que j’ai dormi, dit-il. J’étais si fatigué ! »
    En toute hâte, il dévora un repas sommaire que lui prépara la jeune femme. Puis il l’embrassa tendrement et prit congé d’elle en lui disant :
    « Dans ce malheur, Juana, c’est peut-être toi qui es la plus frappée. Quoi qu’il arrive, souviens-toi que je suis ton frère et que pour toi je ferai bien des choses. Mais écoute… écoute bien, ma sœur : cet homme, ce misérable qui te vole ton pauvre cœur dont il est indigne, eh bien, si je me trouve en sa présence, je te jure de ne pas frapper le premier ! »
    Juana eut un tressaillement de joie profonde.
    « Ah ! frère, balbutia-t-elle, tu es vraiment mon bon frère !… »
    Scalabrino regagna l’auberge où il avait laissé son cheval.
    Il s’assit à une table et commanda qu’on lui donnât à boire.
    Le coude sur la table, la tête dans la main, il réfléchissait, ballotté par ses pensées, les yeux vaguement fixés sur une petite cour qu’il apercevait par la fenêtre entrouverte près de laquelle il s’était assis. Tout à coup, il aperçut dans cette cour un visage qui le fit tressaillir.
    « Que fait ici Gianetto ? » murmura-t-il.
    Ce Gianetto n’était autre que le marin de la barque qui avait emmené Sandrigo et qui avait été chargé de ramener la carriole.
    Le marin causait avec le patron de l’auberge. Puis il le salua, et s’en alla, sifflotant une barcarolle entre les dents.
    Quelques instants plus tard, Scalabrino, ayant payé sa dépense, monta à cheval et prit au trot la route qu’avait prise Gianetto.
    Il ne tarda pas à l’apercevoir à cent pas devant lui, et, dès lors, régla son allure pour maintenir la distance qui le séparait du marin.
    Celui-ci marchait d’un bon pas dans la direction des lagunes.
    C’était un jeune homme de vingt-deux ans.
    Scalabrino l’avait connu jadis, alors que Gianetto, mousse, servait déjà la mystérieuse association qui s’était faite entre les bandits de la montagne et les marins du port de Venise.
    Il l’avait revu incidemment depuis qu’il s’était évadé.
    Lorsqu’on fut loin de Mestre, en pleine campagne, Scalabrino rejoignit le marin.
    « Eh bien, Gianetto, que diable fais-tu par ici ?
    – Scalabrino ? s’écria le marin. Ma foi, je ne te reconnaissais pas

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