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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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la gorge de l’homme qui l’avait trahi, de l’homme qui venait d’enlever sa fille.
    « J’ai juré à Juana de ne pas frapper le premier ! »
    Il y eut entre les deux hommes une minute de silence tragique.
    Enfin, Scalabrino parla.
    « J’ai voulu te voir, dit-il, avant de décider si je dois te considérer comme un homme ou si je dois te tuer comme un chien. »
    Sandrigo ne broncha pas. Il se contenta de répondre :
    « Moi, j’attends que tu aies parlé pour prendre la même décision.
    – Voici ce que je suis venu te dire, Sandrigo. La haine est née dans ton cœur bien que je t’aie toujours traité en ami. Cette haine t’a poussé à un crime que les lois de la montagne punissent de mort : tu m’as dénoncé. C’est toi qui m’as fait arrêter.
    – C’est moi.
    – Bien, dit Scalabrino qui frissonna. J’ai passé dans les puits six mortelles années. Et quel que soit ton forfait, je ne voudrais pas avoir sur la conscience d’avoir aidé à te faire franchir le Pont des Soupirs. Je me suis évadé. Alors, je t’ai rencontré dans la montagne…
    – Oui, le jour où tu m’as volé ma bande, dit Sandrigo en serrant les poings ; le jour où Roland Candiano m’a forcé de crier grâce devant nos compagnons… Après ?
    – Après !… Il y a au monde une femme qui est le plus noble cœur ; je l’aime comme une sœur vénérée. Cette femme tu la connais : elle s’appelle Juana. Il y a un grand malheur. C’est que Juana t’aime. Pourquoi ? Je ne sais. Mais qu’elle t’aime, voilà ce qui est sûr. Sans quoi, Sandrigo, je t’aurais déjà tué.
    – Après ?…
    – Attends. Juana avait reçu en garde une jeune fille…
    – Bianca. Je l’ai enlevée, c’est vrai. »
    Scalabrino se sentit vaciller.
    « Tu peux racheter tes crimes, dit-il sourdement. Rends-moi cette jeune fille, Sandrigo ; Juana t’aime ; elle sera ta femme ; et toi je me charge de t’enrichir, de te faire une existence heureuse.
    – J’accepterais volontiers, mais il y a deux puissants motifs qui s’y opposent.
    – Lesquels ?
    – Le premier, c’est que si Juana m’aime, je ne l’aime pas, moi. Ensuite, c’est que cette jeune fille que tu me redemandes, eh bien, je l’aime ! »
    Scalabrino se leva. Il était si terrible, avec sa figure blanche et ses yeux rouges, que Sandrigo trembla.
    « Tu dis que tu aimes Bianca ?
    – A moi ! » hurla Sandrigo sans répondre.
    En même temps, il poussait avec violence la table qu’il avait devant lui. A cet instant où Scalabrino rugissant levait son poignard, six hommes apparurent dans la pièce et se ruèrent sur Scalabrino. Celui-ci recula pour s’acculer à un coin.
    Comme il reculait, il se sentit tomber dans le vide.
    Ses deux bras s’étendirent. Ses mains se raccrochèrent au plancher. Sandrigo leva l’escabeau sur lequel il était assis. L’escabeau retomba lourdement sur la tête du colosse. Les mains lâchèrent prise. Il tomba. Bartolo abaissa aussitôt le couvercle de la trappe.
    Scalabrino, étourdi par le coup qu’il venait de recevoir, tomba dans le noir.
    Sa tête porta encore sur l’une des marches de l’escalier raide par où on descendait dans cette fosse. Il demeura évanoui.
    Une impression de fraîcheur le réveilla soudain.
    Au-dessus de sa tête, quelque part, il entendait une sorte de grondement sourd, mêlé de sifflements aigus. En même temps, l’impression de vive fraîcheur montait le long de ses jambes.
    Une rauque exclamation de désespoir lui échappa :
    « Le canal !… La plaque de fer !… L’eau qui monte !… »
    Elle montait en effet, assez lentement… mais elle montait !
    Le grondement venait de l’eau du canal qui tombait dans la cave. Le sifflement venait de l’air refoulé qui s’échappait par un étroit tuyau pratiqué au plafond.
    Pendant quelques minutes, Scalabrino demeura frappé de stupeur, écoutant vaguement le clapotis de l’eau qui formait de petites vagues. Puis une sorte de rage s’empara de lui. A tâtons, il chercha l’escalier, refoulant l’eau autour de lui, et il se mit à monter. Sa tête heurta la trappe. Il y arc-bouta ses puissantes épaules de cariatide, mais il ne parvint pas à ébranler les formidables ferrures de la trappe. Longtemps, il s’épuisa en efforts inutiles. Et quand il eut bien constaté son impuissance, il s’assit sur une marche, mit sa tête dans ses deux mains et pleura.
    Cependant, l’eau montait toujours.
    Cet

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