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Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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belladone. L’ignorez-vous, Messire le prêtre ? C’est le moment de la nuit où les ténèbres s’épaississent un peu et où rôdent les démons.
    — Êtes-vous un démon ?
    Un petit rire en guise de réponse.
    — Je suis le jugement de Dieu, prêtre.
    — Au nom de quelle autorité ?
    — La mienne ! Le sang crie. La vengeance doit être exercée. Le châtiment, infligé.
    — Êtes-vous le Sagittaire, l’Archer ?
    — Et vous... ? se moqua l’autre.
    Le père Thomas essuya ses mains moites sur sa bure.
    — Pourquoi ne pas avancer dans la lumière de Dieu ?
    — Je suis dans la lumière de Dieu.
    — Alors pourquoi êtes-vous ici ? insista le père Thomas. Pourquoi venir en pleine nuit menacer un prêtre qui veille deux innocents trépassés ?
    — Personne n’est innocent, vous le savez bien. Vous devez délivrer un message, un avertissement à Lord Scrope. Dites-lui qu’avant la fête de la conversion de Saint-Paul il devra, sous la croix du marché de Mistleham, confesser tous ses péchés.
    — Il ne le fera jamais.
    — Du moins aura-t-il été prévenu.
    — Et sinon ?
    — Il sera puni pour toutes ses fautes, siffla la voix.
    — Pourquoi ne pas l’avertir vous-même ?
    — Oh, n’en ayez cure, Messire, je le ferai bel et bien ! Mais n’oubliez point ce que j’ai dit : toutes ses fautes.
    Quelques heures plus tard, la veille de la Saint-Hilaire, au moment où les ombres de la nuit commençaient à se dissiper, Lord Oliver Scrope était agenouillé sur son prie-Dieu dans la retraite qu’il avait aménagée sur l’île des Cygnes, au coeur de son domaine seigneurial. Il priait en silence tout en contemplant le diptyque de la Passion du Christ et réfléchissait avec inquiétude sur le jugement et le châtiment.
    — Jesu miserere , murmura-t-il. Jesu miserere
    — Seigneur, aie pitié de moi !
    Il ferma les paupières et hocha la tête. Ses dévotions matinales étaient terminées. Il resserra autour de lui sa robe de chambre de damas bleu doublée d’hermine, se signa et se leva. Il embrassa les lieux du regard, et la vue de son ermitage, de son refuge, lui procura un certain réconfort. L’île des Cygnes l’avait toujours attiré, même quand, enfant, avec Marguerite et son cousin Gaston, ils traversaient l’étendue d’eau pour aller jouer dans les ruines. En revenant d’Acre, il avait développé son domaine et avait sur-le-champ fait ériger cette retraite. En massive pierre grise, elle était ronde comme un pigeonnier et possédait un toit pentu en ardoise sombre. Sur bien des points, elle lui rappelait les petites tours qu’il avait vues quand il combattait sur les Marches écossaises ou devant le Pale {10} , à Dublin. L’intérieur, pourtant, était fort différent de celui de ces sinistres places fortes. Lord Scrope avait tenu à ce que tout soit luxueux : planchers de bois cirés, alcôves en hauteur pour le lit, oreillers et matelas garnis de plumes d’oie, souples draps de lin et lourdes courtines aux franges d’or. À l’autre bout se trouvait un petit cabinet de toilette avec des latrines, un lavarium, des savons, des aromates sur un présentoir. Le parquet luisant de la salle était couvert de précieuses fourrures spécialement importées de Norvège et les murs tendus de tapisseries flamandes aux riches motifs. Entre elles étaient suspendus des tableaux et des médaillons d’inspiration religieuse dont l’or scintillait à la lumière des chandelles de cire vierge et des lanternes de corne à capuchon. Des braseros de cuivre ajoutaient à la chaleur et au confort, de même que la cheminée encastrée dans le mur qui possédait son propre conduit pour évacuer la fumée. Une citation, à la base de l’une des peintures, retint l’attention de Scrope. Bien qu’exécutée en brillantes lettres dorées, elle avait tout, à présent, d’une injonction du destin : « À quoi sert-il à l’homme de gagner le monde entier s’il perd son âme éternelle... »
    Lord Scrope frissonna et s’approcha de l’âtre pour se réchauffer. Il contempla le visage du faune au centre du manteau de la cheminée. Noire, avec des yeux rouges et de luisantes dents blanches, la tête entière était couronnée d’un halo de verdure forestière. Réflexion faite, Scrope n’appréciait pas son expression un peu ricanante et il se jura de la changer dès qu’il le pourrait. Il prit son gobelet de bois ciselé avec art, s’appuya à la cheminée

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