Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
et baissa les yeux sur les flammes qui léchaient la fougère sèche. Dehors, la neige fraîchement tombée recouvrait le sol. Le lac n’avait pas encore gelé, bien que, lorsqu’il s’était fait conduire ici la veille au soir, la morsure des gouttes et des éclaboussures de l’eau eût été glaciale. Il sirota le vin tiédi et épicé ; bien sûr, il faisait chaud céans. Les six fenêtres étaient protégées par des volets clos et, à l’intérieur, par des rideaux de cuir et d’épaisses draperies de laine bleue.
    Scrope avait essayé de dormir, mais en vain, l’esprit torturé par d’anciens souvenirs, l’âme tourmentée par de récents soucis. Il murmura machinalement une prière. Il médita les mots du psaume disant que les péchés non remis du passé s’ouvrent comme une nasse pour saisir les coupables. Les cauchemars habituels avaient troublé sa nuit : projectiles tourbillonnant et sifflant au-dessus de Saint-Jean-d’Acre ; Gaston, titubant, le visage en sang ; les furieux combats corps à corps dans les cours où les fontaines devenaient rouges de sang ; la terreur qui étreignait le coeur alors qu’ils luttaient pour atteindre le donjon. Et après ? La cache du trésor du Temple, ce sergent se querellant avec lui... Lord Scrope se gratta la tête et, refusant de s’avouer coupable, s’abandonna à un violent courroux. Quelle arrogante impunité que celle de ces Frères du Libre Esprit ! Comment osaient-ils se railler ainsi ? Comment pouvaient-ils connaître son noir secret ? Un survivant d’Acre, sans doute, mais qui ? Peu importait. Ils avaient provoqué leur propre chute ! Et voilà qu’Édouard se mêlait de l’affaire, lui rappelant sa promesse au sujet du Sanguis Christi et lui signifiant que l’attaque contre les Frères du Libre Esprit n’avait relevé ni de la loi statutaire ni d’un arrêté de l’échevinage. Les puissants amis de Scrope au sein de l’Église et de l’État à Westminster l’avaient protégé ; ils lui avaient aussi fait savoir que le roi envoyait dans le comté nul autre que Sir Hugh Corbett, garde du Sceau privé, muni des pleins pouvoirs pour enquêter sur les événements de Mistleham ! Corbett ! Scrope le connaissait. Visage émacié, yeux noirs, esprit vif... Un clerc qu’on ne pouvait ni menacer ni acheter.
    Le seigneur serra plus fort son gobelet en écoutant les bruits venant de l’extérieur. Il se promit d’aller jeter un coup d’oeil sur Romulus et Remus, les mastiffs qui gardaient les rives du lac. Se rencognant dans sa chaire, il tendit la main vers le feu. Il y avait tant de dangers ! Le Sagittaire était-il un tueur dépêché par le Temple ou un survivant du massacre de Mordern ? Mais n’avait-on pas abattu tout le monde ? Frère Gratian l’en avait assuré et avait même affirmé que Lord Scrope n’avait fait qu’obéir à la volonté de Dieu. Alors, que redoutait-il ? Il lui fallait résoudre ses multiples problèmes. Le père Thomas pouvait se laisser convaincre. Marguerite le soutiendrait, en soeur affectueuse qu’elle était. Il devait se sortir de ces difficultés et passer davantage de temps à jouir du corps délicieux de son épouse. Bien entendu, il faudrait rendre le Sanguis Christi et le poignard de l’assassin.
    Scrope reposa son gobelet, ôta la chaîne d’argent qu’il portait autour du cou et alla vers le grand coffre installé au pied du lit. Il s’agenouilla, fit jouer les serrures compliquées de l’arche, souleva le couvercle et sortit le coffret noir renforcé de bandes d’argent et pourvu de trois autres fermoirs dont chacun avait sa propre clé. Il l’ouvrit et contempla avec avidité les trésors qu’il renfermait. Le Sanguis Christi, en or massif, ses gros rubis scintillants même dans la pauvre lumière de la retraite ; et, à côté, d’autres objets précieux pillés dans le trésor du Temple à Acre. Jamais les templiers ne les recouvreraient ! Il baillerait le Sanguis Christi au souverain, comme un présent destiné à se le concilier, à lui rappeler sa loyauté. Il enverrait aussi au roi une lettre évoquant les jours glorieux où ils avaient combattu côte à côte en Irlande et au pays de Galles, où ils avaient poursuivi les rebelles écossais dans la brume et la bruyère au nord de la frontière. Il recevrait à grands frais Corbett. Il demanderait à frère Gratian d’expliquer que les Frères du Libre Esprit représentaient une menace, qu’ils mettaient en

Weitere Kostenlose Bücher