Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le porteur de mort

Le porteur de mort

Titel: Le porteur de mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
libérer ses ouailles des griffes de fer de Satan. Il n’était ni douillet, ni sentimental, ni pleurnicheur. Il s’enorgueillissait de n’être pas... Quelle était l’expression française ? Fourbe et dissimulateur !
    Pourtant les manières gracieuses et les sourires enjoués de ces deux guides des Frères du Libre Esprit l’avaient ému. Ils étaient arrivés à St Alphege chargés de lourdes sacoches de cuir et avaient expliqué qu’ils étaient aussi des artistes itinérants, experts en fresques et peintures murales ainsi que sur toile tendue. Ils avaient proposé leurs services à St Alphege en échange de nourriture et autres provendes. Quand le père Thomas avait hésité, ils avaient promis, la main sur le coeur, que si leur oeuvre ne lui plaisait pas, ils chauleraient le mur pour la cacher. Le prêtre avait fini par accepter. La nef de l’édifice ne relevait pas du seigneur, mais de lui, ce que confirmaient des lettres de l’évêque.
    Par conséquent, à la dernière Sainte-Marie-Madeleine, Adam et Ève, accompagnés de deux autres frères, étaient venus à St Alphege pour travailler à la lumière du jour, bien qu’ils aient parfois eu recours à une occasionnelle chandelle ou à une lanterne. Au début, le père Thomas s’était comporté en spectateur réticent, rôdant souvent dans les parages pour inspecter leur travail après avoir célébré le premier office ou avoir sonné l’Angélus pour rappeler aux fidèles qu’ils devaient rendre grâces à la Vierge. Quelques paroissiens s’étaient opposés à ces peintures, mais beaucoup avaient pris plaisir à voir le mur gris de leur église paroissiale éclater de couleur. Adam et Ève avaient choisi pour thème la chute de Babylone, telle que la narraient l’Apocalypse et d’autres sources. Une fois les parois apprêtées et lissées, la scène s’était animée sous leurs brosses, offrant un déploiement saisissant de rouges, verts, bleus, dorés, jaunes et de noir sur un fond marbré de blanc. Négligeant les ombres mouvantes et les insolites bruits inquiétants autour de l’édifice, le prêtre rapprocha la torche pour étudier cette scène une fois encore.
    — Babylone est bel et bien tombée, chuchota-t-il.
    Dans la peinture, un ouragan de feu, déchaîné sur une mer de sang bouillonnante, consumait les fières tours et entrées de la Grande Prostituée. La pluie s’abattait, noire, diluvienne. Des flammes s’échappaient des fenêtres et des portes. Des défenseurs se tenaient aux créneaux, se détachant sur le ciel empourpré dominé par un dragon, aux écailleuses ailes vertes, aux griffes noires, à la queue écarlate, qui crachait le feu. L’animal malfaisant, cette abomination de l’Enfer, avalait les âmes des valets de la Grande Prostituée, les digérait et les rejetait sous forme d’excréments. Des silhouettes en tuniques blanches ondulantes, des anges sans nul doute, lâchaient une pluie de flèches contre les défenseurs de Babylone vêtus d’habits vert et feuille morte. Dans l’une des chambres du château, un homme, une coupe à la main, était étendu sur un lit. La scène suivante, qui se déroulait dans une vaste salle de banquet, montrait Judas, le cou orné du noeud coulant avec lequel il s’était pendu, banquetant avec d’autres pécheurs devant un festin de crapauds, d’escargots et de reptiles cuits dans du soufre ardent tout en buvant un liquide brûlant dans des gobelets incrustés de flammes. Dans le panneau final, Judas et ses compagnons fuyaient en courant dans la Vallée de la Mort en jetant des regards inquiets derrière eux, ignorant qu’une immense croix portant le Crucifié, ses blessures luisant comme des fanaux, barrait le chemin au bout de la vallée.
    Les bords de la fresque, qui mesurait neuf pieds de long et montait du sol jusqu’au rebord de la fenêtre du transept, étaient décorés de curieux symboles et de plantes luxuriantes. Le père Thomas ainsi que les membres de son conseil paroissial avaient été fort impressionnés. Des foules de visiteurs s’étaient déplacées de la ville pour admirer la nouvelle peinture. Toute la confrérie des Frères du Libre Esprit, avec leurs étranges noms bibliques ― Seth, Caïn, Abel, Josué, Aaron, Esther, Miriam... ― était venue aussi et avait dansé d’allégresse. Dame Marguerite, abbesse de St Frideswide, escortée par son ambitieux chapelain Benedict Le Sanglier, était entrée pour la contempler, de même que Scrope

Weitere Kostenlose Bücher