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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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grimaces de son patient, le moine demanda :
    – Y a-t-il céans de quoi chauffer un tisonnier ou une quelconque lame ?
    – Un grand feu flambe à côté… Il y a un chaudron où mettre des braises… Voulez-vous, mon père…
    – Non ! Non !… Frère Guichard de Vauzelle, qui m’assiste parfois, m’attend dans la rue avec mes instruments et mes onguents… Faites-le quérir.
    – J’y vais moi-même.
    La porte se referma sur Mathilde.
    Le visage sévère et fermé du moine s’adoucit. Quelque chose de singulièrement jeune emplit ses yeux et décolla ses lèvres tandis qu’il se penchait au-dessus du blessé :
    – Vous êtes vivant, mon fils ; je m’en réjouis.
    Gérard de Thurey, le maréchal de Bourgogne qui essaya de vous sauver avant que la dame de Montaigny n’y parvînt, m’a dit combien vous méritiez d’intérêt. Il galope sur les grands chemins de Paris pour conter au roi ce qu’il a vu. Nul doute qu’il glosera sur votre malefortune et louera votre vasselage (402)
    –  J’en suis moult heureux !… Puisse le roi me pardonner d’avoir failli à la mission dont il m’avait chargé. Je devais m’assurer que Charles de Navarre ne cherchait pas à mettre les routiers sous sa coupe. Cela ne s’est pas fait… Si j’avais pu prévenir notre sire Jean du nombre et de la force de ces malandrins, j’eusse évité cette exécrable défaite !
    L’œil fixe, le visage sévère incliné davantage, le moine chuchota :
    – Cette femme vous a sauvé de la mort… L’aimez-vous ?… Répondez-moi comme en confession.
    – Je lui ai de la gratitude. Mon cœur est tout plein d’une autre.
    Tristan se sentait moite, soudain, de la tête aux orteils. Presque aussi gêné d’être nu devant cet homme-là que devant Mathilde.
    – Je vous sais bon gré de votre droiture, mon fils. Je connais Mathilde depuis le jour où son époux mit le châtelet et le village de Brignais en perdition… C’est une forte femme… Son corps plus que son cœur guident ses sentiments… Me fais-je bien comprendre ?
    – Je l’avais deviné.
    Le moine sourcilla. Il semblait vouloir se disculper, bien qu’il fût éloigné des passions charnelles. Pas tant qu’il le croyait, peut-être, puisqu’il restituait les chairs malades aux émois qui les animaient.
    – Elle vous a conquis, messire Castelreng. Certes vous avez déjoué la mort, mais votre délivrance n’est qu’une illusion.
    – Vous exprimez, mon père, ce dont je n’ai jamais douté.
    Le moine eut un sourire ; le bleu de ses yeux prit une teinte singulièrement humide, presque cristalline dans l’ombre des sourcils allongés et touffus.
    – Je pense à saint Paul, mon fils : melius est nubere quam uri (403) . Et à Mathilde. Son premier époux était un homme droit, valeureux. Le second se fût senti en parfaite accointance avec les malandrins que vous avez côtoyés. Qu’attend-elle de vous ? Le plaisir ou un enfant qu’elle n’obtint pas des deux autres ?
    Guy de Chauliac se tut car on poussait la porte. Un religieux apparut, portant comme un calice à l’offertoire une boîte de cuir oblongue.
    – Approchez-vous du lit, frère Guichard. Nous allons tout d’abord médiciner les petites plaies, les remirer (404) et appareiller de linge propre. Ensuite, nous ferons, pour cette épaule, ce qui me paraît nécessaire. Dame Mathilde, avez-vous des bandelettes et de la charpie ?… Je crains d’en manquer…
    Tristan ferma les yeux. Il entendit grincer les portes du dressoir et se laissa soigner, pinçant parfois les lèvres quand quelques gouttes exprimées d’une éponge à senteur de vinaigre semblaient corroder sa chair.
    – C’est, tout simplement, mêlée à de l’eau-de-vie de vin de Mâcon, une mixtion d’herbes de ma composition. Vos plaies seront cicatrisées dans cinq ou six jours… Tournez- vous sur le ventre… Guichard, allez promptement chercher la marmitée de braises et le tisonnier que dame Mathilde n’a pas manqué de faire préparer…
    – C’est une demi-lame d’épée, mon père… Avec, évidemment, sa poignée.
    Attendre. Quel que fut le degré de souffrance, Tristan décida de ne pas crier. Il sentit une main lui caresser les reins, une fesse. Aucun doute : Mathilde semblait déjà prendre possession de son corps.
    – Bien, Guichard, dit Guy de Chauliac. Approchez…
    Tristan entendit pétiller les braises et devina la lame rougie qui les touillait. Il ferma les yeux,

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