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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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épargné le bûcher. » !
    Il ne pouvait la détester, mais il maudissait son audace et ses façons de propriétaire. Ce qui l’exaspérait, c’était moins le fait qu’il fut en quelque sorte à sa merci que la peur d’une intimité charnelle où rien jamais, ne pourrait coïncider parce que rien ne le passionnait ni ne l’émouvait en elle. Même s’il rassasiait ses malefaims lubriques, elle exercerait sur lui, dès le saut du lit, ce goût immodéré de l’humiliation qui, pour elle, constituerait un supplément de jouissance. L’exercice de ce mépris ne ferait qu’empirer sa répugnance à la satisfaire. Leurs armistices charnels consisteraient, à leur su, en de fastidieuses batailles livrées à coups de mots tranchants et de regards pointus. S’il devait demeurer longtemps sous la coupe de cette effrontée, sa seule revanche serait de voir son visage encore beau s’amaigrir ou se bouffir, se griffer aux ronces de l’âge, blêmir ou se couperoser sous l’effet corrosif des déceptions et des courroux avoués ou rétractés. Ses seins déclineraient ; quelque chose se détruirait de son orgueil que les cernures de son visage, sa voix, son rire acide et les mouvements lourds de son corps dénonceraient sans nuances. Son cou, de cygne encore, s’empâterait. Le pentacol d’anneaux d’or dont il était présentement paré mordrait sans sa chair, et le soir, en l’ôtant, elle en verrait l’empreinte pareille à celle du chanvre de la hart (410) .
    – À quoi penses-tu si sombrement ?… À elle , j’en suis acertenée… Ta tête, ton cœur, tes coulles (411) sont pleins de cette Oriabel !
    – Ne songez-vous jamais à vos époux, à leurs vits et à leurs étreintes ?
    Une soudaine obscurité leur fut doublement propice : Mathilde put y dissimuler sa stupéfaction ; il parvint à soutenir l’examen auquel se livrait son épouse accidentelle tout en se louant de l’avoir muselée.
    Ils venaient de passer sous une voûte. Maintenant, il faisait plus clair. Avaient-ils franchi un postil 27 de la ville ?
    Il se réjouit que la litière fut d’une étroitesse interdisant à Mathilde de se glisser à son côté ; puis il en conçut du regret. Elle le considérait avec une insistance tellement avide qu’il ne put soutenir le feu de son regard. Écartant le bord du mantelet le plus proche, il n’entrevit que des arbres.
    – Lâche ce rideau. Laisse-nous ainsi. Nous serons à Montaigny à la vesprée.
    Deux hommes s’ébaudirent. Les quatre allaient chevaucher l’oreille à l’aguet pour deviner comment ils passaient le temps.
    L’ombre devint derechef plus épaisse et le pas des chevaux s’aheurta. Tristan comprit qu’ils avaient atteint les murailles d’enceinte. Une forte bouffée de vent remuant les volets, il entrevit deux arbalétriers coiffés de fer, l’arme sur l’épaule, la couire 28 en peau de truie ouverte sur la hanche. Ils semblaient redouter un assaut.
    – Prudence ! recommanda le plus jeune. Le pays regorge de malandrins !
    – On le verra bien, compère. Ils ont sûrement mieux à faire qu’à s’occuper de nous, répliqua l’un des soudoyers. Allez, vous autres. En avant !
    On repartit. Les heurts des fers sur le sol devinrent moins secs : la voie cessait d’être pavée ; désormais les chevaux fouleraient des herbes ou des cailloux.
    Tristan voulut s’offrir un peu d’air et de lumière ; une main l’en dissuada. Du fait des ornières qui secouaient le gros bahut de bois, la négation du geste prit une force excessive.
    – Laisse cette courtine, dit Mathilde. Si tu ne les aimes pas, moi, j’aime les ténèbres… Elles sont propices à toute chose hardie : l’embûche, la fuite, l’amour, bien qu’il soit bon aussi de le faire en plein jour… Et dis-moi, mon époux, crois-tu, céans, que nous serions à l’aise ?
    Elle n’en démordait pas.
    – Nous ne sommes pas seuls.
    Il admira, un moment, le visage penché vers le sien, cireux, attentif. Le désir en avait exclu la dureté.
    – Je peux envoyer mes hommes en avant.
    – Cette litière deviendrait comme une nef sans marinier. Nous irions verser dans l’herbe.
    – Cela n’est pas pour me déplaire.
    – Il me déplairait, à moi, de voir vos hommes accourir pour nous trouver unis autrement que bras dessus bras dessous.
    – Tu en serais gêné ? J’en serais tout esmouvée 29 au contraire… Rois et reines font bien ça devant quelques privilégiés lors de

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