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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dire si Castelreng est aussi grand, aussi beau que ma demeure.
    C’était bien là une chose dont il n’avait nul souci.
    Le chemin monta si roidement qu’il dut se retenir des talons et des mains pour ne pas glisser vers sa femme. « Bon sang ! Son fief est-il juché sur une montagne ? » Tandis qu’il entendait, pour la première fois, le palefrenier hurler et stimuler le cheval d’arrière à coups de longe, il se rapprocha irrésistiblement de Mathilde qui, sans doute, avait attendu cette ascension : à deux mains, violemment, elle attrapa sa dextre.
    – Lève-la !… Lève-la bien haut et jure-moi que tu me seras fidèle, que tu ne me fuiras pas, que tu feras tout ce que je te demanderai…
    – Dieu merci ! dit-il sans dégager sa main – et je pour cause. Si vous saviez manier aussi promptement une lame, vous pourriez servir dans les armées du roi !
    Des ongles pointus s’incrustèrent dans sa paume. Sans se soustraire à ces volontaires morsures, il imagina Mathilde râlant de plaisir sur leur lit, sa tête pâle dodinant parmi les flammes noires de sa crinière. «  Je te forniquerai jusqu’à t’en donner la nausée ! » Bon sang ! À force d’onduler des reins, elle serait exténuée. Il ne lui laisserait aucun répit !
    Plutôt que de la dévisager, ignorant les mains voraces, pareilles à une mâchoire de chienne ou de renarde accrochée à sa proie, il regarda au-dehors.
    Dans l’ombre qui tombait du ciel avec la pluie, son malaise trouva un semblant de réplique. Quels lieux hanterait-il bientôt ? Qu’allait-il découvrir en haut de ce chemin aux talus hérissés de roncières et d’aubépines ? Plus que de la tristesse, c’était une curiosité sans frein qui serrait un cœur vide ou presque, à force d’humiliations. Sans compter les coups reçus.
    « J’ai versé pour ma vie des gobelets de sang… Je suis faible comme un enfant de pauvre et mes navrures me font mal. Il me faudrait dormir longtemps, mais voudra-t-elle le comprendre ? »
    À l’inverse de son énergie endommagée par les événements et les blessures, sa mélancolie, ce soir, prenait une indissimulable consistance.
    – Tu penses encore à elle !
    – Non !
    Il s’en était défendu si violemment que Mathilde, apeurée, le libéra. Qu’il évoquât ou non Oriabel, jamais il ne lui permettrait de s’ingérer dans ses souvenirs. Elle avait les siens, qu’il ne jalousait point. Quelque effort qu’elle entreprît pour les détruire, jamais elle n’anéantirait ceux qui, resplendissants et tenaces, dénoircissaient ses pensées.
    – Pardonnez-moi, dit-il, cependant. Je suis las et je souffre de mon épaule.
    Le spica 35 posé par Guy de Chauliac se relâchait. Il sentait la bandelette glisser, tirer sur ses chairs qu’il devinait rouges, suintantes et collées au tissu. Il allait falloir que Mathilde défît doucement ce pansement et s’employât à éteindre le feu de cette purulence. L’oserait-elle ou se ferait-elle aider ?
    « Y a-t-il seulement des femmes à Montaigny ? » Il aperçut un muret qui grandit et devint muraille. La litière passa sur les lattes d’un pont-levis où les fers des chevaux firent un grand frai 36 . Il y avait une douve dont la profondeur lui donna un frisson. Mathilde avait prétendu que son second mari avait respecté son assurément. Mensonge : ce fossé semblait profond de trois toises 37 .
    Il l’interrogea du regard mais son visage, sculpté en des ombres charnues, avec pour seule lueur un sourire ressuscité, exprimait davantage encore qu’une satisfaction légitime : un triomphe absolu.
    Un cor sonna. La herse était baissée, le portail fermé. Il fallut attendre.
    Des couinements troublèrent le silence. « Ils remontent le ratel 38 qui est mal entretenu, sans quoi, il n e ferait pas tant de bruit ! » Les vantaux de la porte béèrent, grinçant moins sur leurs gonds que sur les gibbosités d’un sol caillouteux. « On ne doit pas balayer souvent cet endroit. » Mathilde attendait, pensive, les yeux clos. Sa bouche seule bougeait un peu. Retenait-elle un cri ? Une plainte ? Allait-elle accuser sa domesticité de mollesse à son égard ?
    Soudain, les pensées de Tristan empruntèrent une autre voie :
    « Je ne commettrai pas l’erreur de lui parler de divorce. Je m’évaderai. Rien ne sera simple, c’est pourquoi je me dois d’y penser dès maintenant. »
    Une face d’homme apparut dans l’ouverture de la

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