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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qui penses-tu ? À moi ? À elle  ? À cette bataille où tu faillis mourir ?
    – À la défaite des Lis… Sitôt hors de Lyon nous serons en danger.
    – Est-ce une raison pour que ta main m’abandonne ?… Repose-la et sache-le bien, Tristan : je ne crains aucune embûche. Les routiers de Brignais célèbrent leur victoire… Remets ta main !… Ces malandrins s’esbanoient 26 , te dis-je.
    – Comment le savez-vous ? Votre haine envers eux me paraît dissipée.
    – Je sais tout ce que j’ai failli perdre auprès d’eux. Ma vie, ma dignité puisque je ne puis dire : « mon pucelage ». Mais à quoi bon remâcher mes frayeurs.
    Elle rit ; sa gaieté manquait de vraisemblance. Alors qu’elle aurait dû frémir d’horreur à toutes sortes de remembrances, elle frissonnait d’aise. Elle avait un sombre besoin de l’ébahir, voire de le scandaliser ; elle apportait à ce désir d’enlaidissement de son âme une persévérance dont elle s’enivrait. Pensait-elle aussi se différencier des femmes qu’il avait connues et qu’elle imaginait dolentes et craintives, Oriabel y compris.
    – J’ai hâte d’être au lit. Pas toi ?
    Il grommela sans répondre. C’était cela, surtout qui le révulsait : ce culte de la chair, insolent, insistant. Alors qu’elle souhaitait en faire un jouisseur, il sentait déjà repu. Elle ajouta lentement, d’une voix tout à coup sèche et qui semblait prescrire ses volontés :
    – Nous allons faire un détour, suivre le Rhône par la Pierre-Bénite, Irigny, Millery… Crains-tu qu’un Naudon de Bagerant nous tombe sur le poil ? Il semblait t’accorder, non point son amitié, mais une espèce de révérence. Ah ! Non… Cesse de te pencher à cette fenêtre… Mes hommes seraient-ils plus attrayants que moi ? Pourrais-tu t’éprendre de l’un d’eux ?
    S’il avait eu les mains liées en marchant de Brignais à Lyon, Tristan sentait maintenant, telle une bride sur sa gorge, la volonté de cette succube.
    « Passe encore qu’elle règne sur ses soudoyers et les accable de ses exigences. Mais moi ! »
    Son inquiétude s’aggravait. Rien ne lui serait facile ? Au lit comme au-delà, il serait épié sans trêves et sans merci.
    – Sitôt franchie la porte de la cité, dit Mathilde en tirant les rideaux de cuir et en les fixant, par leur œillet, au piton qui les maintiendrait immobiles, je nous redonnerai l’air et la lumière. Rabats celui de la portière et les petits, de ton côté… Allons, obéis-moi. Ferme ces mantelets.
    Tout en obtempérant, il demanda pourquoi.
    Plus les manants sont rares, plus ils sont curieux.
    Mais… vous vouliez vous mettre nue !
    – Je le ferai si tu y tiens quand nous aurons quitté la ville. Sais-tu qu’il me vient une idée…
    Tristan craignit quelque invention luxurieuse, susceptible de ne se concevoir et s’accomplir qu’entre les murs d’une chambre close. Mathilde, soudain soucieuse, le rassura :
    – Il se peut que Salbris soit à notre ressuite. Qu’en dis-tu, mon époux ?
    – Je ne crains pas cet outrageux. C’est un goguelu doublé d’un bardache (409) .
    Il sentit dans ses yeux la vrille d’un regard.
    – Tu n’as peur que de moi, ta chère mariée !
    À quoi bon répondre : «  Vous aberrez  » puisqu’elle devinait cette vérité-là aussi promptement que tant d’autres. S’il devait affronter Salbris, le combat, franc et loyal, s’achèverait à son avantage – du moins le voulait-il supposer. Il ne pouvait se fier à la loyauté de Mathilde. Conjointement à son acerbité, il y avait en elle des sinuosités douceâtres, colubrines, voire vipérines dont à Brignais, déjà, il s’était défié. Le dédain qu’il opposait à l’exécration de Salbris trouvait dans leur irrémédiable détestation deux concordances : ils étaient chevaliers, dévoués au roi sinon au royaume. Entre Mathilde et lui, rien d’autre n’existait qu’une sauveté dont il connaissait le prix et les conditions du remboursement. Il assumerait donc ses redevances au lit, sachant qu’elle ne l’y défraierait de rien mais l’effraierait peut-être tant il l’imaginait en matrulle abusive. Oriabel s’était innocemment offerte ; Mathilde s’était pourvue gratuitement d’un époux dont le sort pouvait se comparer à celui des filles follieuses.
    « Je noircis tout à l’envi !… Elle me regarde et s’interroge. Sans doute aura-t-elle un jour du regret de m’avoir

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