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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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église… Il me semblait que vous aimiez l’obscurité… Pourquoi ce retournement ?
    – Nos corps vont se vêtir de dorures tremblantes. J’aime à changer de peau comme on change de robe… Eh bien, qu’attends-tu ? Fais comme moi.
    Quand elle fut nue, après s’être complue en gestes et postures qui eussent fait d’une fille faillie dressée par elle la renommée et la fortune du plus médiocre lupanar de Lyon, Tristan se sentit si violemment admiré qu’il en conçut une espèce d’angoisse. Ah ! Certes, son épouse était belle. Des épaules fermes, parfaites, des bras ronds et roses et des mains d’une fraîcheur « touchante » ; des seins gonflés d’orgueil et de suavité dont une ombre, plutôt que d’en profaner le vallon, en exagérait la profondeur ; des hanches pleines comme le ventre des violes ; des jambes longues, aux attaches fortes et qui semblaient prolonger celles-ci sur la cuisse, beaucoup plus haut que le sombre blason de guipure d’où affleurait une peau de lis. Les noirs cheveux massés sous la haute coiffure en corbeille se pailletaient de l’or des chandelles, et les prunelles touchées, elles aussi, par ces éclaboussures, s’enrichissaient d’une sorte de simplicité, de pudeur peut-être qui ne pouvait être que feinte. Et pourtant, tout ce qu’avait composé sa vie désordonnée semblait, en ce moment de vérité nuptiale, s’épurer en Mathilde. Il y avait de la grandeur dans cette immobilité soudaine où pour une fois, elle se montrait à son époux sans aucune réticence, dédaigneuse des ornements dont elle avait paré, dans la journée, ses doigts, ses poignets et jusqu’à ses chevilles. Elle était vraie dans sa beauté austère, la plus apte à exalter le respect, mais non point le désir inspiré par la passion ; la plus capable aussi d’évoquer un autre visage, un autre corps plus jeune, plus docile et certainement plus aimant.
    – Je te plais ?
    – Comment pourriez-vous ne pas me subjuguer ?
    Il avait à dessein employé ce verbe aux significations nombreuses et contradictoires. Elle n’y prit point garde. Quant à lui, la seule pensée qui pouvait enfleurir son esprit – mais non point son cœur – et le résigner aux prochains simulacres d’amour se résumait ainsi :
    « Tu me veux, j’y consens et rien d’autre. »
    Il lui tendit les bras lorsqu’elle ouvrit les siens.
    *
    Tout au long d’une nuit qui lui parut fastidieuse, il se trouva si outrément sollicité qu’il s’inquiéta, quand vint l’aurore, des conséquences d’une priapée dont il craignit qu’elle ne se poursuivît dans la journée pour se prolonger le soir-même. S’il devait honorer soir après soir sa dame, il corromprait inéluctablement ses forces d’homme et son impétuosité de guerrier.
    Quatre nuits et quatre jours s’ensuivirent, pareils aux précédents. Bien que Mathilde le soignât avec sollicitude, il se plaignit enfin :
    – Vois mon épaule d’un peu plus près que tu ne le fais. Elle ne se guérit pas. Je remue trop. J’ai besoin de repos.
    – Dors ton content le jour et sois à moi la nuit.
    – Et si nous décidions du contraire ?
    Sous les cheveux sombres et fricheux, le front d’ivoire se plissa. Un fin sourcil se souleva. Mathilde bandait l’arc avant de lancer le trait :
    – Tu deviens insolent. Je préfère la nuit avec ou sans luminaire. La clarté du jour est crue, indécente, traîtresse. Tu m’y verrais bien mieux et compterais mes rides. Quand j’ai aperçu la première dans mon miroir, j’ai cru que la mort m’égratignait… Si tu me voyais mieux, tu… tu t’engagerais moins.
    – N’existe-t-il que cela, pour toi, dans le mariage ?
    – Dans le nôtre, je veux pour le moment qu’il en soit ainsi.
    S’il continuait à dévaler cette pente, jamais il ne recouvrerait cet état d’énergie et d’équilibre qu’il avait conservé pendant ses amours avec Oriabel lors desquelles, pourtant, il ne s’était point ménagé. Mais il l’aimait, elle. Il la révérait. Les élans de leurs corps exprimaient ceux de leurs cœurs. Ils sublimaient, embrassés, la réciproque ferveur de leurs âmes. Mathilde répéta :
    – Je veux qu’il en soit ainsi.
    Ils gisaient côte à côte sans que leurs chairs se touchassent. Pas encore. Le jour nouveau naissait dans des nuages gris. Tristan contint difficilement un soupir. L’occurrence dans laquelle il était placé, la succession des événements qui

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