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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’avaient malmené depuis son échappée de sa geôle bourguignonne, la tension de son esprit, l’affliction d’avoir perdu Oriabel avaient, parmi bien d’autres effets, celui de lui faire éprouver son impuissance à dominer présentement son existence. Il ne savait vers quoi la fatalité l’entraînait. Les assiduités qu’il devait à Mathilde contribuaient à le rendre plus sensible encore aux mystères de sa destinée. Il se sentait de plus en plus victime et en venait à ne pas concevoir qu’il pût un jour respirer pleinement, penser sereinement, agir sans crainte et aimer de grand cœur. Vivre. Il lui ad venait ce qui pouvait advenir à un animal – loup, chien, lion, léopard – contraint de se ramasser moins pour s’épargner des coups en restreignant son volume, que pour bondir et vaincre. Son désir furieux d’être enfin lui-même eût pu renforcer son armure de chair. Hélas ! Mathilde, désormais, en connaissait les défauts. Où qu’il fût, quoi qu’il fît, en pleine ou factice lumière et même dans les ténèbres de leur couche, son ombre turbulente l’emprisonnait. Qu’importait ! Sa fureur d’être captif de cette forniqueuse, de Panazol et de leurs satellites contribuait à resserrer l’unité entre son esprit et ses muscles encore solides. C’était une sensation nouvelle que cette simplification de son être. Bête de plaisir pour la dame de Montaigny, il s’évertuerait à lui sembler bête à plaisir, guettant le moment propice où fuir serait une gageure doublée d’un solas (423) .
    La dame se plaignit de son soudain silence et s’approcha. Hanche contre hanche, coude contre coude, puis genou contre genou, cheville contre cheville. Il dit tout bonnement :
    – Tu en veux, je t’en donne. Je me vide et te comble.
    Elle frémit sans pourtant s’éloigner d’un cheveu :
    – Je ne suis pas comblée. N’oublie jamais que c’est moi qui te possède… bien au-delà de ce lit.
    Il contint péniblement son courroux :
    – Je suis las. Fourbu comme un coursier qui aurait galopé cent lieues sans halte et sans fourrage. Que tu me croies ou non, je déforcis.
    Les deux repas quotidiens qu’Ydoine leur servait désormais seule et promptement lui semblaient chiches et peu nourrissants. La veille au soir, après qu’il eut avalé quelques cuillerées de compote, il avait éprouvé une sensation de lourdeur dans ses membres, suivie d’une sorte de fièvre uniquement sise en ses entrailles. Il s’était alors souvenu des chuchotis que, le matin même, Mathilde et la servante avaient échangés. Il comprenait maintenant l’objet de la conspiration. D’ailleurs, Mathilde lui en fournissait la preuve : étayée sur un coude, une sourde lueur entre ses cils mi-clos, elle observait son anatomie.
    – Je jurerais qu’Ydoine, sur ton conseil, accommode ses mets à la cantharide.
    – Et si c’était vrai ?… J’aime que tu sois dur avec moi… Je peux toucher ?
    Il ne répondit pas. La malefaim que cette gaupe avait de lui – et dont aucun signe ne donnait à penser qu’elle s’apaiserait – le désarçonnait et le triboulait. Elle n’alléguait qu’un seul motif à ses débordements. « Tu me plais » avant d’ajouter, pour preuve de mainmise : « Tu ne serais même plus un tas de cendres si je ne t’avais épousé. » Après avoir répété, une fois de plus, cette mise en garde, sur un ton, c ette fois, d’incantation, elle enchaîna :
    – Tu vis. Cela vaut bien que tu sacrifies à Vénus.
    Certes, mais sans qu’elle fît rehausser dans cette intention les mets destinés à multiplier ses offrandes. Elle le plaçait désormais dans une alternative insupportable : avaler, mêlées à sa nourriture, des poudres boissons revigorantes dont l’usage, à la longue, ruinerait sa santé, ou jeûner et s’affaiblir.
    – Je mange ce que tu manges… M’as-tu vue pâmer ailleurs que dans tes bras ?
    – Ta passion m’effraie, dit-il en se tournant sur le ventre pour esquiver une saisie qui l’eût vraiment courroucé. Ton cœur est sec et froid… s’il existe.
    Mathilde eut ce rire aigrelet qu’il commençait à détester autant que ses attouchements :
    – Il existe… un peu bas : il gîte entre mes cuisses. Ne l’as-tu pas senti te conjouir 55 cette nuit ?
    Ses humeurs seules la gouvernaient. Sans doute usant et mésusant de lui, se revanchait-elle des humiliations, bourrades, gourmades et déconvenues qu’il avait éprouvées,

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