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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sur ce même lit, avec ses précédents maris. Elle avait certainement dû leur adjoindre, lorsqu’ils servaient à l’ost, quelques forcenés dont condition lui importait moins que l’appendice.
    – Les autres, dit-il, avaient-ils eu leurs mets ensorcelés pour te complaire ?
    – Que t’importe !
    Elle pouvait un jour commander à la grosse Ydoine de broyer dans un mortier d’autres graines que ce poivre dont elle abusait et le rendre roide et froid, lui, le troisième époux, dans son entièreté. Qui des deux devant l’autel et la Sainte Croix, avait conclu la meilleure affaire ? Lui, évidemment. Il était néanmoins chambré, enchartré 56 , assujetti par le sacrement du mariage à cette femme en laquelle il découvrait successivement de la Messaline et de la Mélusine, de la Morgane et, ce jour même, de la Locuste.
    « Oriabel », songea-t-il. Et cette fois son désespoir fut immense.
    – Tu penses à elle, devina Mathilde.
    – Non. Je n’y pense plus. Elle est morte pour moi.
    Oriabel… Comment n’eût-il pas regretté sa voix, son rire, la fraîcheur de sa bouche, ses nonchalances d’avant et d’après l’amour. Et jusqu’à sa façon de se dénuder…
    Elle baissait la tête en entrouvrant sa robe et d’un seul tour d’épaule en libérait son cou. Alors, elle la laissait choir sans précaution, mais lentement, et l’étoffe glissait, s’attardait sur un sein en bouton, sur l’autre, se plissait, atteignait ses hanches qu’un petit mouvement de côté faisait saillir sans en retarder la tombée pour qu’elle couvrit enfin ses pieds d’une sorte d’écume grise qu’elle enjambait d’un sautillement, insoucieuse de son corps frileusement révélé. Le contraire de Mathilde qui, en femme longuement accoutumée aux déshabillages, enlevait ses robes et affiquets par le haut, révélant ainsi, conjointement à sa féminité, une satiété de pudeur qu’elle semblait réprouver, de sorte qu’elle portait son avant-bras senestre et sa main devant sa poitrine, et sa dextre aux doigts soudain palmés devant le buisson de ténèbre et de chair d’où semblait s’épancher toute sa vanité.
    Certes, les fêtes charnelles avec Oriabel s’achevaient par les mêmes sursauts, les mêmes pâmoisons que ceux qui le dénouaient de sa geôlière. Elles n’avaient cependant rien de commun avec les cérémonies voluptueuses jonchées des mots crus que Mathilde proférait sans vergogne aux approches de la délectation. Elle usait des baisers et caresses comme de ses bien-aimés fards : c’étaient des faussetés sous des apparences naturelles. Parfois, elle le trouvait lointain, peu ardent et hardi. Elle ne pouvait comprendre que si la dérision de l’amour pouvait provoquer la luxure, celle-ci ne pouvait s’abonnir en noble sentiment. Il eût voulu quitter cette chambre oppressante. « Chaque chose en son temps », disait sa gardienne. Il avait besoin d’autres mouvements, de soleil et d’air frais, de pluie et d’herbe drue. L’idée même des propos que devaient échanger Panazol, Ydoine et les soudoyers quant à ces ébullitions recluses commençait à le courroucer. À leur place – il en convenait –, il se fût livré aux mêmes assauts d’imagination assortis de commentaires sans doute aussi épicés que le langage de Mathilde. Jamais il n’avait éprouvé dans sa cellule de Fontevrault, puis dans le reclusoir où Perrette Darnichot l’avait verrouillé, et enfin dans l’étroite chambre du donjon de Brignais, en compagnie d’Oriabel, ce sentiment d’abominable esseulement.
    – Je suis sûre que tu penses à elle, dit Mathilde.
    Et pourquoi non ? N’était-ce pas, en fait, un véritable amour qui le hantait ? De l’avoir perdue et de partager son souvenir avec une créature telle que celle qui lui prenait la main avant d’appréhender ce qu’elle convoitait d’un œil cupide réduisait son courage en miettes.
    Mathilde eut encore ce petit ricanement sec qui n’était rien d’autre que le déshabillage de son âme.
    – Cela te passera, Tristan. Tu n’es pas Normand… Je connais ce duché. Non, tu n’es pas Normand, mais qu’importe : je compare tes belles amours au cidre. Comme lui dans un gobelet, elles grésillent en ton cœur. Or, le cidre finit par s’accoiser pour déposer tout au fond de l’étain une sorte de cerne d’un aspect désagréable…
    – Où veux-tu en venir ?
    – À ceci, mon aimé… La lie de tes amours apparaîtra

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