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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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bientôt. À défaut de la voir, tu la ressentiras et te diras enfin : « Quel fardeau que cette fidélité à un fantôme !… Pourquoi ne fais-je pas le vide en moi ? Elle m’empêche de vivre et de jouir pleinement. » Tu nettoieras ton cœur de toute cette boue comme on nettoie le fond d’un gobelet à cidre. Toutes les amours sont brèves, décevantes…
    – Hé !… s’il en est ainsi, pourquoi m’as-tu épousé ? Pourquoi ces liens entre nous ?
    – Les liens, c’est toi qui les portes.
    Elle avait raison, indiscutablement. Il objecta :
    – Tu t’accroches à ces liens… Mon sauvement, dans tes intentions à mon égard, me paraît un argument bien mince.
    – Bien gros comme…
    – Lâche-moi !
    Mathilde, ainsi qu’il s’y attendait, refusa d’obtempérer. Elle étouffa un bâillement du plat de sa main inoccupée.
    – Tu m’as plu… Tu es beau… et tu es chevalier. Un vrai, pourvu de bons sentiments, donc d’une loyauté à toute épreuve… Tu ne saurais renier un serment, surtout celui qu’on fait devant l’autel… Tu oublieras cette fille. Je m’emploierai à effacer de ton esprit sa pernicieuse influence et te ferai aimer l’amour… Je ne t’aime pas : je t’idolâtre… Je suis la meule où s’use le souvenir de ta bien-aimée. Je le réduirai en poudre et soufflerai dessus comme sur l’aigrette d’un pissenlit afin qu’il n’en subsiste rien.
    « Cette meule », songea Tristan, « méfie-toi que n’y aiguise, à compter de ce jour, les couteaux de rancune ! »
    *
    –  Voilà ce que j’appelle vivre, gémit Mathilde, quand ils dénouèrent leur étreinte et qu’elle eut jeté au bas du lit le faux-visage noir aux sourcils d’or dont elle avait occulté sa physionomie en refusant d’en fournir la raison.
    – Vivre ? s’étonna Tristan.
    Il ferma les yeux, attendant une réponse. Celle-ci ne vint pas. Vivre ne pouvait consister, même pour elle, en ces successions d’extases qu’elle exagérait peut-être, soulignées, après qu’elle les eut ou non éprouvées par cette espèce de soupir ou d’essoufflement – car elle s’époumonait et son cœur cognait ferme.
    – Eh oui !… Vivre, pour moi, Tristan, c’est mourir de plaisir.
    « Bonheur éphémère », songea-t-il. « Félicité captieuse. Elle se méprend sur tout, au détriment de sa santé… et de la mienne. Elle crèvera un jour sur un spasme mortel qu’elle confondra avec la perle des jouissances !… Il n’y a pas plus d’amour dans son cœur qu’il n’y a d’or dans les coffres du roi ! »
    Fallait-il qu’il discutât ? Non. Mathilde était de ces femmes dont le corps et l’esprit aimaient à se nourrir d’excitations diverses, ordinaires ou pernicieuses, pour accéder à une sorte de fatigue qu’elles confondaient avec la langueur d’une Guenièvre ou d’une Yseult. Dans les dispositions où elle se trouvait momentanément avec lui, il pouvait, s’il ne voulait passer pour un couard, essayer de la contredire.
    – Vivre, pour moi, c’est voir au-delà d’une chambre et me mouvoir autrement qu’à coups de reins. C’est ouïr ce que disent les êtres de ce monde – hommes, femmes et enfants – et aussi les bêtes. Il m’est advenu, à certaines aubes et vesprées, d’être charmé par le chant d’un rossignol davantage que par celui d’un trouvère… Vivre, c’est profiter des arbres, des prés, des nuées, de la chaleur d’un feu l’hiver ou, par grosse effoudre (424) , de la fraîcheur d’une rivière ou d’une source, l’été… Vivre, pour moi, c’est préférer mon épée à mon braquemart… C’est, sur un bon coursier, profiter de l’espace…
    – Tu es né à cheval, moi, je ne sais comment. Peut-être dans un bordeau… Je sais que j’existe quand tu me touches et plus encore quand tu me prends.
    – Pourquoi as-tu dissimulé ton visage ?
    Il sentit qu’elle allait se rapprocher de lui et s’éloigna jusqu’au bord de la couche.
    – Ne dissimules-tu pas le tien contre mon épaule pour te soustraire à mes regards quand tu m’enlaces ? N’imagines-tu pas ainsi qu’au lieu de moi, tu es en train de foutre l ’autre ?
    L’autre  ? Ah ! Non, certes. Mathilde ne cessait de s’induire en erreur. Si l’acte était le même en sa terminaison, Oriabel en était exclue.
    – Vivre, dit-il.
    Il ne vivait pas : il durait. Car vivre ne pouvait consister en ces jeux de mains, ces succions, ces baisers qui, à

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