Le poursuivant d'amour
des principes de la chevalerie, il s’était, de bon appétit, sustenté des dogmes de la religion où les pères pudiques appelaient oaristys – un des rares mots grecs qu’il eût retenus – les jeux auxquels il s’était agréablement livré avec Oriabel et qui ce soir, pour Mathilde, ressortissaient à un examen probatoire. Il s’étonnait de ne plus éprouver envers la mémoire de la blonde jouvencelle ce sentiment de culpabilité qui l’avait tenaillé sur le chemin de Montaigny. Il était dans le lit d’une femme pulpeuse, aimante, et qui abordait les charnels ébats plaisamment, dans une ombre complète – preuve d’une confusion sincère… ou d’une malignité sereine. L’attirance naissait de ce mystère-là. Il ne connaissait rien de ce corps ? Eh bien, il allait imiter les aveugles et le tâtonner à souhait !
– Aime-moi !… J’ai envie que tu m’aimes.
Il crut entendre aussi – mais sans doute ses sens l’avaient-ils abusé : « Autant que tu l’aimais . » Les souffles et balbutiements de Mathilde n’étaient que prière suave. Elle n’eût pas haleté davantage s’il l’avait poursuivie, un fouet à la main, pour la molester d’importance.
– Baise-moi encore… Sang-Dieu, dois-je tout te demander ?
Elle redevenait elle-même. Bien qu’asservie à lui part l’exigence d’une passion dont il désespérait de percer le mystère, elle semblait déterminée à le commander encore.
– Conduis-toi comme un homme et non comme un puceau !
Il posa ses lèvres à la racine des cheveux épars sur le front tandis que sa dextre caressait une joue fraîche et s’y mouillait.
Il ne lui était jamais venu à l’esprit qu’on pût pleurer en pareil cas et que l’attente des gestes et attouchements dispensant le plaisir confinât, pour Mathilde, l’angoisse.
Sa main glissa le long du cou, puis sur une épaule pleine et ronde, contraste avec le velours insistant qu ’il sentait toujours contre sa cuisse, comme une petite bête têtue. Statue, sculpture de chair qu’une respiration maintenant lente troublait, Mathilde était à sa merci, à sa discrétion, sans nul autre remuement que ce souffle d’époumonée. Aimer , avait-elle dit ? Son ascendant de jeune mâle allait, sur elle, grandissant, et s’il éprouvait quelque émouvement dans ces commençailles, c’était qu’il la sentait de nouveau sous sa dépendance et prête à tout pour lui complaire. Son plaisir serait peut-être grand et fort, après tout. Il y avait cette perfection charnelle, cette fleuraison de l’ardeur d’aimer… Et puis quoi ? Plus il aurait au lit l’empire sur cette femme, plus il obtiendrait sa confiance, et plus il la pourrait abuser hors de cette couche ombrageuse.
– Je t’ai ouï gémir…
– Mon épaule… Mais demeurez quiète… Je me soignerai demain…
Sa souffrance était réelle ; aussi réelle que le fer qui l’avait cautérisée. Mathilde interrompit son halètement :
– Comment trouves-tu mon sein ?
– Mais je l’ai trouvé, saisi et vous en fait compliment… Sa fraise ou sa framboise a le goût…
Bon sang !… Qu’allait-il imaginer pour lui complaire ?
–… a le goût du printemps.
Sornette, mais son épouse en roucoulait, lui tendait avidement sa bouche et roulait sur lui, sans souci d’endolorir son épaule puis, revenue sur le dos, attendait un geste ou un compliment.
Il n’eut le temps de commencer ni l’un ni l’autre. Elle l’avait empoigné. Elle le serrait comme elle eût serré la prise d’une épée, remontant au pommeau, s’appuyant sur la goutte, savourant, semblait-il, un contentement qu’elle avait désespéré d’atteindre. Avait-elle eu la même audace avec ses époux ? Avec ses amants ? Avec, en exorbitant ses mœurs, l’exécrable Panazol ?
– Je suis férue de toi… Touche-moi comme je te touche !
Tristan glissa sa main sur un flanc creux, doux tiède ; sur une cuisse ferme. Glissa encore.
– Comment trouves-tu mes nasches 54 ?
Il trouvait, surtout, qu’elle était trop bavarde. Bon sang de bon sang ! Ils étaient dans un lit, non sur quelque place publique, au lendit de Saint-Denis ou la Chapelle ! Et, tandis que sa main remuait :
– Je… condescends à vous parler car en ces moments-là, j’apprécie le silence… Sachez, ô dame qu’on ne dit plus nasches, mais fesses , maintenant, le saviez-vous pas ?
– D’où vient ce mot idiot ? C’est la première fois qu’on
Weitere Kostenlose Bücher