Le Pré-aux-Clercs
de la Croix des Petits-Champs, je suppose ?
– C’est cela. À bientôt, Fiorinda.
– Dieu vous garde, monsieur de Beaurevers ! »
Il allait s’élancer. Se ravisant, il ajouta :
« Si par malheur j’étais absent, vous pouvez vous adresser à M. le comte de Louvre. Vous n’aurez qu’à adresser votre appel chez moi, rue Froidmantel. Il lui parviendra… Mais ceci seulement en cas de péril extrême, de nécessité absolue. »
Cette fois, il partit.
Alors le mendiant sortit de derrière son arbre et s’éloigna péniblement. Il n’alla pas loin, d’ailleurs. Il entra tout bonnement dans l’église Saint-Gervais. Là, il se blottit dans l’ombre protectrice d’un confessionnal. D’une main preste, il enleva la barbe et la perruque qui ornaient son chef. Il se débarrassa pareillement du manteau sordide qui couvrait ses épaules, y mit les postiches et en fit un paquet qu’il plaça sous son bras. Il redressa sa taille voûtée et apparut avec le justaucorps de cuir, une courte et forte dague au côté, montra le mufle inquiétant de Guillaume Pentecôte, le valet, le lieutenant, l’âme damnée de Rospignac.
Guillaume Pentecôte sortit de l’église et, son paquet sous le bras, partit à grandes enjambées, en se disant :
« Par mes bottes ! Voilà le gibier qui se fait chasseur !… c’est Beaurevers qui nous piste, maintenant !… Il faut aviser M. le baron !… Oui, mais par tout les diables d’enfer ! Où va M. le baron ? Où ai-je des chances de le trouver ? Je veux que tous les suppôts fourchus de Satan tannent et retannent ma pauvre carcasse si je m’en doute seulement !… N’importe, l’affaire est grave ; il faut que je le rattrape, coûte que coûte. Mon flair me guidera. »
Il faut croire que ce flair le guida mal, car Guillaume Pentecôte battit vainement le quartier durant plus d’une heure. De guerre lasse, il se résigna à rentrer au logis et à y attendre celui qu’il n’avait pu rejoindre.
Fiorinda était demeurée à la même place, regardant d’un air rêveur dans la direction prise par Beaurevers. Et doucement émue, elle songeait :
« C’est le seul homme qui m’aime d’une affection vraiment fraternelle !… Et quel cœur de diamant le plus pur sous ses airs bourrus !… Et comme il rachète noblement les erreurs du passé… dont il n’est pas responsable, pourtant !… Lui et Myrta, la belle et pure Myrta, cela me fait presque une famille… Que me faut-il de plus ?… »
Comme elle se posait cette question, une impulsion irraisonnée, inconsciente peut-être, mais irrésistible, la fit se retourner vers le banc de pierre… Le banc où elle s’était assise à côté de Ferrière. Et un soupir souleva son sein chaste. Et elle se morigéna :
« Fiorinda, ma fille, tu n’es pas raisonnable… N’as-tu donc plus de volonté ?… Puisqu’il est entendu que tu ne penseras plus à cela… Il ne faut plus y penser. »
Ayant ainsi tranché la question, elle s’engagea dans la rue du Pet-au-Diable, qui conduisait à la rue de la Tissanderie qu’elle se mit à descendre dans la direction de la rue Saint-Martin.
Pendant ce temps, Beaurevers s’était lancé sur les traces de Rospignac. Et c’est lui que nous suivrons. Il allait de ce pas allongé qui lui était habituel, et semblait très sûr de rattraper le baron qui, au surplus, n’avait pas pu prendre une avance bien considérable. Il avait d’excellentes raisons pour être aussi sûr de lui.
En effet, au coin de la rue Pernelle {3} , il trouva Bouracan qui semblait bayer aux corneilles. Le colosse n’eut pas l’air de voir son maître et ne lui dit pas un mot. Seulement, de la main, il indiqua la rue qui coupait la rue Pernelle en deux. C’était la rue de la Mortellerie {4} , vers laquelle Beaurevers se dirigea aussitôt.
Bouracan se mit à le suivre à une distance raisonnable.
Vers le milieu de la rue Pernelle, Beaurevers prit à droite de la rue de la Mortellerie ; il venait d’apercevoir Strapafar qui était en méditation devant la chapelle des Haudriettes. Sa méditation n’était pas si profonde qu’elle le paraissait, car le Provençal aperçut Beaurevers dès qu’il déboucha de la rue Pernelle. Comme Bouracan, il n’eut qu’un geste qui signifiait : « Droit devant vous. » Comme Bouracan, qui le rattrapa d’ailleurs, il suivit Beaurevers de loin.
Beaurevers, ainsi renseigné, marcha vers la place de Grève. Il traversa cette
Weitere Kostenlose Bücher