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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Alizon me le ferma de ses baisers.
    — De grâce, Monsieur, dit-elle
quasiment dans ma bouche, ne riez pas ! Vous troublez la Sainte
Messe !
    Ce qui m’eût fait rire de plus
belle, si j’avais pu, et aussi me donna quelques regrets doux et âpres, tout
fidèle que j’eusse juré d’être à mon Angelina.
    — Alizon, dis-je, d’elle à la
fin m’arrachant. Je jure que je connais ces deux dames. L’une est fort haute,
bien que petite. L’autre est plus basse, quoique plus grande. Et celle-ci est,
comme toi, vive, brune, frisquette, sauf que l’œil est moins doux. Et elle se
nomme…
    — Mademoiselle de La
Vasselière, dit Alizon, prise sans vert.
    — Alizon, dis-je en lui fermant
la bouche de la main, garde-toi de prononcer des noms : tu perdrais tes
pratiques. Je vais aviser de cette affaire pour laquelle je suis jà autant en
tes dettes qu’en cette aube de la Saint-Barthélémy où tu me cousis une manche
blanche à l’épaule pour aiser ma fuite.
    — Ha Monsieur, ce n’était
rien ! dit-elle rougissante, non pour le péril encouru, mais pour ce qu’en
ces temps-là nous étions si proches.
    — Rien ? dis-je. Rien que
la vie. Alizon, je te sais haute en tes humeurs, mais de grâce, prends cette
bague, poursuivis-je, en m’ôtant du petit doigt une topaze que je passai
incontinent à son annulaire par-dessus son gant.
    — Mon Pierre, dit-elle, mon
état est trop bas pour porter bague si étoffée, mais je la garderai en mes trésors
pour l’amour de toi.
    Elle achevait quand, le rideau se
soulevant, elle eut juste le temps de se détourner pour remettre son masque,
tandis que le bedeau disait d’une voix basse et bourdonnante :
    — Mon gentilhomme, on a
prononcé Vite missa est. Ne vaudrait-il pas mieux que la dame s’ensauve
avant que les fidèles sortent ?
    — Oui-dà ! C’est bien
pensé !
    Mon Alizon fut hors en un battement
de cil, et revenant m’agenouiller derrière le pilier, je me trouvai cette fois
entre Quéribus et Fogacer, l’œil baissé tous trois et les mains jointes, tout
le temps que sortirent les quelques matinaux courtisans, lesquels, au passage,
m’envisageaient et me dévisageaient selon la grande ou petite amour qu’ils
nourrissaient pour moi qui, les aguignant du coin de ma prunelle, vis bien que
ma disgrâce était déjà crue, répandue et glosée. Quelle édifiante image nous
donnions, Fogacer, Quéribus et moi, à ces gentilshommes à prolonger ainsi nos
dévotions, encore que l’un fût athéiste, le second, huguenot et le troisième,
catholique tant tiède qu’on l’eût pu dire froidureux ! Ainsi en va-t-il de
cet étrange siècle où le zèle n’est souvent que grimace.
    — Mi fili, dit Fogacer sotto voce, essuyez-vous la joue qu’on vous a de
rouge barbouillée. N’êtes-vous pas vergogné de vous faire poutouner par une
personne du sexe dans le temple du Seigneur ?
    — Ce temple, dit Quéribus en se
penchant, a souvent été mis à pire usance. La Princesse Margot s’y est donnée
au baron de Vitteaux pour le persuader de tuer Du Guast.
    — Baron, vous errez, dit
Fogacer, la fornication ne se fit pas sur ces dalles-ci, mais sur celles de la
chapelle des Grands Augustins.
    — Vrai, dis-je, mais céans,
Catherine pieusement communia le jour où elle fit assassiner Coligny.
    Je ne voulus pas informer Quéribus
et Fogacer de l’embûche qu’on m’avait machinée, ne sachant si le Roi les
voulait mettre dans le secret de ces affaires-là alors que Giacomi et Miroul
l’étaient de force forcée depuis Mâcon. Je laissai donc le baron partir pour
préparer sa coche et son escorte qu’il me promit pour le coup de midi, et
Fogacer ayant assuré qu’il serait là sans délayer avec son Silvio, je restai
seul avec le maestro et Miroul, et à voix fort basse, le bedeau laissant
traîner ses oreilles dans les alentours, je leur dis ce qu’il en était.
    — Moussu, dit Miroul, vous
ramentez-vous l’Aiguillerie de la bonne Thomassine en Montpellier, laquelle
avait deux issues, comme souvent ces sortes de petites maisons où l’on fait
plus, comme chacun sait, que vendre des aiguilles. N’en serait-il pas de même
pour celle-là et peut-on imaginer que l’assassinateur, le coup d’arquebuse
tiré, saille quiètement dans la rue où vous gisez dans votre sang ?
Nenni ! Cela ne se peut ! Je gage, moi, que son cheval l’attend dans
une ruelle de derrière pour qu’il l’enfourche, son coup fait, comme fit
Maurevert

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