Le Prince Que Voilà
as raison, Miroul, dis-je.
Maintenant que tu es mon secrétaire, il faudra bien que je me cherche un petit
valet pour te remplacer en tes menials offices.
— Quoi ? dit Miroul, son
œil marron fort sombre et son œil bleu noircissant, un petit valet ?
Céans ? Je ne le souffrirais pas ! Moussu, je quitterai votre service
sur l’heure, si tôt que je verrai apparaître céans un petit béjaune qui ne fera
que sottises ! Monsieur, vous n’ignorez pas que j’ai du bien et peux
m’établir quand je veux.
— Donc, Miroul, dis-je, point
de petit valet ?
— Monsieur, dit-il
solennellement en français. Je n’en supporterais pas la queue d’un, je le
jure !
— Je vais donc aller porter
moi-même ce pli au Louvre, et le remettre ès mains propres de Chicot, pour
qu’il le fasse tenir au Roi.
— Monsieur, vous vous moquez,
dit Miroul avec un air d’immense dignité, j’irai de ma personne. N’est-il pas
naturel qu’un secrétaire porte les lettres qu’il a lui-même écrites ? Les
pourrions-nous confier au premier galapian venu ? Le laisserait-on entrer
de prime au guichet du Louvre ? Et saurait-il trouver Chicot en ce
dédale ?
Je fus cinq mois en ma seigneurie du
Chêne Rogneux, employant les deniers du Roi à mettre mes murs hors échelle, à
construire une tour qui me donnait des vues à l’alentour, et même à me creuser
un souterrain qui de l’intérieur de mon enceinte, conduisait hors, dans la
forêt de Montfort-l’Amaury, souterrain d’où un homme pouvait émerger dans la
futaie pour quérir du secours, au cas où je verrais mes murs battus par une
bande de vaunéants à la solde de mes ennemis. J’achetai même une petite
couleuvrine que je fis hisser jusqu’au sommet de ma tour, et dont je doutai
fort qu’elle pût faire beaucoup de mal aux assiégeants, sinon les frapper de
terreur par la grande noise et vacarme qu’elle produisait : moyen aussi de
donner l’alarme, car la seule fois où je la tirai à blanc, elle fut entendue
jusqu’à Méré et Galluis, d’où l’on courut quérir de moi ce qui se passait.
Giacomi, qui deux jours après
m’avoir escorté céans, était reparti à petit bruit en Paris pour la raison que
l’on connaît, n’avait point failli chez les Montcalm à revoir Larissa et à
l’ouïr confirmer sa foi et sa promesse de tâcher de s’évader des serres du
jésuite, dès que faire se pourrait tenter, propos qui, cependant me laissa
sceptique un petit, pour ce que je cuidais que l’emprise que Samarcas avait sur
elle était plus morale que physique et qu’il la tenait par l’âme prisonnière
davantage que par le corps.
Je reçus cinq mois après avoir
quitté Paris une lettre de M me de La Vasselière qui me laissa dans
quelque perplexité.
« Monsieur mon Cousin,
Il me paraît étrange que vous
vous réclamiez – légitimement, je crois – de mon alliance et de ma
parenté au moment même où vous m’accusez de vous avoir dagué un valet à Mâcon,
robé un cheval, et attenté de vous arquebuser.
Mon cousin, c’est folie. Il aura
fallu que vous soyez abusé par quelque garce qui aura eu l’impudence de me
ressembler, et se peut, d’usurper mon nom.
Pour moi, je proteste que mes
armes sont toutes féminines : Je dague avec une moue, j’arquebuse avec un
sourire, je robe un cœur avec une œillade, et avec la même œillade, mais tirée
d’un bord plus roide, je l’assassine. Cependant, je sais curer aussi, et chose
étrange, avec les mêmes armes avec lesquelles j’ai fait tant de dommages.
Mon cousin, si vous ne craignez
pas d’être soumis à mon artillerie, venez me voir, votre exil prenant fin, à
l’hôtel de Montpensier où dans l’attente charmée de vous voir, je jure que je
serai votre humble et dévouée servante.
Jeanne de LA VASSELIÈRE. »
Je ne voulus montrer cette lettre à
mon Angelina, pour ce qu’elle eût craint pour moi nuit et jour, si elle avait
su la vérité. En outre, elle ne manquait ni de soucis ni de traverses, ayant
six beaux enfants à nourrir et curer tous, sains et gaillards, n’ayant été confiés
que le moins possible aux soins mercenaires – lesquels, toutefois, ne
manquaient point en notre logis, mais toujours par mon Angelina de fort près
surveillés, y ayant parmi les nourrices et chambrières d’enfant, un amas de
séculaires superstitions, grossières et dangereuses, desquelles il fallait
prendre garde, pour ce que souvent le nourrisson
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