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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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y perd vie, vue, ouïe et
santé, à l’insu de ces sortes de parents qui trop se reposent sur la fausse
expérience et le prétendu savoir de ces femmes qui ne font que se transmettre
l’une l’autre des recettes, ou des secrets, qui viennent de la nuit des temps
et ne supportent en aucune façon la lumière de la Raison ; comme l’usance
de déverser un cuiller d’esprit-de-vin dans le lait du nourrisson, pour qu’il
s’ensommeille incontinent la nuit et non pas huche à déboucher les oreilles de
ses parents ensommeillés : remède qui vise davantage au repos desdits
parents qu’au bon être de l’enfantelet, lequel bien loin de se trouver fortifié
par cet usage, en sera moins sain et vigoureux tout le reste de sa vie.
    J’ai appelé l’aînée de mes deux
filles Elizabeth pour ce que j’admirais fort la vaillance et l’énergie de la
Reine d’Angleterre ; l’enfant qui me naquit ensuite et qui fut encore une
fille, Françoise d’après ma grand’mère maternelle que j’aimai prou, l’ayant
pourtant peu connue ; le troisième qui fut l’aîné de mes fils, Philippe,
pour ce que j’eusse aimé être ainsi prénommé ; mon deuxième fils, Pierre,
pour ce qu’il me ressemblait, dès le premier jour qu’il vint au monde. Mon
troisième fils, Olivier, pour ce qu’Olivier est de tous les chevaliers de
Charlemagne mon preux préféré ; mon quatrième fils, Frédéric, pour ce
qu’Angelina me requit de l’appeler ainsi, aimant les consonances de ce nom et y
lisant un grand destin.
    Dame Gertrude du Luc, elle, de mon
Samson avait eu dix enfants, dont deux perdus en bas âge de la petite vérole,
et se désolait fort pour ce qu’elle approchait de cette période de la vie où la
nature est accoutumée à interdire aux femmes d’enfanter plus outre. Et à la
vérité, à la voir si épanouie et si vigoureuse, sans l’ombre d’une bedondaine,
la face fraîche, colorée et sans rides, on eût pu douter de la sagesse de la
nature à fixer si tôt le terme de la fécondité féminine, alors que chez l’homme
elle le recule jusqu’à un âge parfois fort avancé, si l’on en croit la Bible.
    Je n’avais vu de longtemps mon
Samson et quand je le revis enfoui dans ses bocaux d’apothicaire en Montfort et
de l’aube à vesprée y consumant ses jours, je le trouvai fort épaissi par le milieu
du corps, le teint mâchellé, l’œil terne, le cul lourd, et sa jolie face point
tant belle qu’elle avait été, la peau en étant blanche et comme bouffie. Et
encore que Gertrude le picaniât fort pour qu’il prît quelque exercice hors son
officine, prétendant même qu’il préférait coucher avec ses bocaux qu’avec elle
(ce qui n’était à croire, vu le nombre des enfants qu’il lui avait faits et
l’impérieuse complexion de la dame et de ses appétits), j’entendis bien que
l’admonestation, fût-elle fraternelle, ne suffirait pas à vaincre la passion
dont son alchimie le subjuguait, et décidant de lui opposer une passion non
moins forte, je le pris à part, et lui confiant, sans en dire plus, que je
courais quelque danger (raison pour quoi Quéribus m’avait laissé la moitié de
son escorte), je le suppliai d’assurer avec moi ma sécurité, tant par les
patrouilles que nous ferions ensemble dans la forêt de Montfort que par les
exercices d’épée, de tir et d’escalade auxquels nous devions être l’un et
l’autre rompus, afin de résister aux embûches, faisant de nous deux, de Giacomi
(quand il était là), de Miroul et des gens de Quéribus autant de soldats
aguerris, à opposer, dans les occasions, aux traîtres assauts de mes ennemis.
    Samson, ému de me savoir en péril,
se jeta dans mes herculéens travaux comme le bel ange de Dieu qu’il était, tant
est que l’officine eût été déserte sans le premier commis qui, à vrai dire,
suffisait à tout, et sans la vigilance de Gertrude, le lit conjugal peu honoré,
tant mon joli frère se sentait las d’avoir couru par monts et pechs avec moi
tout le jour. Mais la curation fit merveille : car outre qu’il me tint
bonne et fraternelle compagnie, en l’absence de Giacomi (Larissa et Samarcas
n’ayant pas encore quitté Paris) je renouai avec lui les liens de grande et
mutuelle amour qui avaient fleuri en nos maillots et enfances, mais que nos
états et intérêts si différents, son zèle religieux, son excessive naïveté, la
raideur de sa complexion, et à la fin l’éloignement de nos logis avaient
quelque

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