Le Prince Que Voilà
réformée,
reprit le curé Ameline en m’aguignant du coin de l’œil, veut que ses ministres
se marient. Mais je me suis toujours apensé que la Sainte Église catholique
Apostolique et Romaine fit preuve d’une sagesse véritablement divine en
refusant à ses prêtres les tracas et traverses d’une grande famille, les
immenses débours qu’elle entraîne, les chaînes par lesquelles elle enserre la
vie d’un homme, pour ne point parler céans, dit-il avec un sourire fin, et les
dames présentes étant assurément exceptées (il les salua), des humeurs
atrabilaires d’une épouse.
« Il est vrai, poursuivit-il,
que le Seigneur a voulu en quelque sorte corriger la tyrannie domestique des
femmes en les rappelant à lui quasiment toujours à la quatrième ou cinquième
couche : preuve, Mesdames, ajouta-t-il avec un deuxième salut, que le Très
Haut vous a estimées trop douces et pliables à la volonté de Messieurs vos
époux pour vous soumettre à la commune loi. »
À cela Angelina et Gertrude
sourirent sans répondre mot ni miette, ayant de mon père et moi depiéça appris
que l’ignorance, la malpropreté et la superstition des sages-femmes faisaient
plus pour les couches fatales que la volonté du Seigneur.
Cependant, le curé Ameline qui,
jugeant qu’il avait assez caressé, et nos beaux enfants, et les vases
d’iniquité qui les avaient produits (sans pourtant se briser à la quatrième
couche) voulait poursuivre cet entretien loin du huchement des petits anges et
des jaseries des Maries, me pria de lui faire visiter la tour que je venais de
bâtir « assurément, dit-il en levant les deux mains, à grands frais et
dépens ! » ce qui, je gage, me laissait entendre qu’à être si libéral
à embellir ma seigneurie, je pouvais l’être aussi à aider le maître-couvreur à
refaire le toit de la sacristie. « Monsieur le Chevalier, dit-il,
avez-vous ouï de certains remuements présents d’aucuns grands de ce royaume qui
seraient entrés en ligue, se peut avec la bénédiction du pape, se confédérant
avec le Roi Philippe II avec qui ils auraient passé traité afin que de
s’opposer par les armes, s’il le fallait, à l’accession au trône du Roi de
Navarre ? »
— J’ai ouï d’une ligue, dis-je,
mais non de ce traité avec un Prince étranger. Et s’il est avéré que la
nouvelle soit vraie, je la déplore excessivement. Seul le Roi de ce royaume a
pouvoir de passer traité avec un souverain étranger. Mais c’est trahison de la
part d’un sujet !
— Mais le Roi, dit Ameline, que
ce mot de trahison appliqué à Guise mettait fort mal à l’aise, le Roi est si
mol, si hésitant ! Ne dit-on pas aussi qu’il soutient en sous-main le Roi
de Navarre ?
— Monsieur le curé, dis-je en
l’envisageant œil à œil, si vous faites par là allusion à l’infâme rumeur de ces
deux cent mille écus…
— Ho que nenni ! s’écria
Ameline en levant les deux mains. Ho que nenni ! Vous êtes maintenant lavé
de cet affreux bruit et à ce que j’ois, on ne l’entend plus nulle part murmurer
en Paris, ni au Louvre, ni chez les grands, ni dans les chaires sacrées. Il
semble qu’on vous plaigne même d’avoir été si méchamment noirci.
À ce moment, mon secrétaire Miroul
pénétra dans le cabinet de la tour où cet entretien se poursuivait, ouvrit la
bouche, la clouit à la vue d’Ameline, et la déclosant de nouveau, dit en
oc :
— Moussu, votre beau-frère qui
vient d’arriver céans vous attend dans la chambre bleue et vous y requiert sans
délayer tant la chose est de conséquence.
— Qu’est cela ? dit
Ameline, pointant en avant son grand nez.
— C’est de l’oc, Monsieur le
curé. Mon secrétaire et moi, nous sommes accoutumés à nous exercer dans les
langues que nous savons : l’oc, l’italien, l’anglais, et le latin.
— Ha le latin ! dit le
curé Ameline, il est parfois si déconnu, même parmi les hauts dignitaires de notre
Église ! Ainsi du cardinal de Vendôme qui possède un laquais qui en sait
là-dessus plus que lui, tant est que recevant un chanoine qui, par respect,
s’adressait à lui en cette langue :
— Quelle est, dit-il, levant
fort haut la crête, cette étrange parladure ?
— Mais Monseigneur, dit le
chanoine, c’est du latin !
— Faquin ! cria alors le
cardinal en se tournant, encoléré, vers son laquais, ne pouvais-tu m’en
aviser ?
Je ris à cette petite gausserie que
j’oyais de sa
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