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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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quotidiennement répété en mon for ce que j’avais à dire
à la Reine, j’avais les jambes trémulentes sous moi et le cœur battant comme
tambour, quand l’huissier m’introduisit devant la « présence »,
laquelle d’abord ne me vit pas, pour ce qu’elle était occupée à lire une
lettre, suivie fort attentivement de l’œil en cette occupation par un gentleman
assis à sa dextre que je reconnus pour Walsingham à la noirceur de son teint,
sinon de son cheveu, lequel s’échappait blanc et rare d’une petite calotte
qu’il portait sur le sommet du crâne et qui couronnait cléricalement son visage
long, maigre et austère, terminé par une petite barbe en pointe pauvre et
triste. Le corps paraissait estéquit, vieil, mal allant, cassé (encore qu’il
n’eût, à ce que je sus plus tard, que cinquante-six ans) mais je ne trouvais
pas facile à supporter l’éclat de ses yeux noirs, brillants, très enfoncés dans
les orbites. Derrière lui se tenait debout Mister Mundane, dont je gage qu’il
devait être son adjoint, le seul qui me sourit à mon entrée. Pour Lady Markby
(c’était le nom de la dame à la bague), elle était debout derrière la Reine et
lisait par-dessus son épaule, mais avec le consentement d’Elizabeth qui
attendit même qu’elle eût fini pour tourner la page.
    — Eh bien, dit enfin la Reine,
tout cela est excellent, my moor [59]  ;
il faut envoyer cette lettre dès demain.
    — Plaise alors à Votre Majesté
de la signer, dit Walsingham en trempant une plume dans l’encre et en la
présentant à la Reine.
    — Hélas, moor, dit la
Reine avec pétulance, j’ai le pouce malade : il ne peut tenir une plume.
Je signerai demain.
    — Votre Majesté, dit
Walsingham, si votre pouce a la goutte, il faut le faire soigner.
    — Quoi ! s’écria Elizabeth
qui, se levant tout soudain d’un air encoléré, se mit à marcher qui-cy qui-là
dans la salle en jetant à Walsingham, à Mundane et à Lady Markby des regards
indignés. Qui ose dire que notre pouce royal a la goutte ? Par la mort
Dieu ! Je n’ai jamais rien ouï de plus impertinent ! Ce pouce,
poursuivit-elle en le brandissant devant elle comme pour le mettre en
accusation, a commis la faute d’être dur, gonflé et douloureux. Mais par toutes
les plaies du Seigneur, j’affirme que ce pouce n’a pas la goutte ! Il ne
peut pas avoir la goutte ! Par la mort Dieu ! Il n’oserait pas avoir la goutte !
    Ayant dit, elle sourit tout soudain,
comme étant amusée elle-même de sa déclaration, et poursuivit mi-sérieusement
mi-se gaussant :
    — De reste, qui a dit qu’il me
faisait mal ? Il ne me fait pas mal le moindre ! Et si je ne signe
pas de lettre ce soir, c’est que je ne le veux pas. Moor, as-tu
ouï ?
    — Oui, Votre Majesté, dit
Walsingham avec un soupir, Mundane et Lady Markby profitant qu’ils fussent
debout, et un peu en retrait, pour échanger des sourires. Et pour moi, je
m’apensai que si les Anglais sur le continent avaient la réputation d’être
quelque peu lunaires, c’était assurément que l’exemple leur venait de haut.
    — Il se peut, poursuivit la
Reine, que d’aucuns à la Cour aient une vacillante santé, mais je voudrais
qu’on se ramentoive, et qu’il soit partout publié, que le Prince de ce royaume
a une santé adamantine !
    — Je n’y manquerai pas, Votre
Majesté, dit Walsingham.
    — Et dites aussi partout, my
moor, dit la Reine en lui jetant un regard des plus affectionnés, que mon
secrétaire d’État se porte à merveille.
    — Je le dirai, dit Walsingham
avec un soupir, suivi d’une petite toux, et un voile mélancolique dans ses
profonds yeux noirs, étant déjà atteint d’une intempérie qu’il ne pouvait
curer, ses jours et ses nuits étant dévorés par le passionné service de sa
Reine : fatigue immense, sans trêve ni repos, dont véritablement il mourut
quatre petites années plus tard.
    — Mais, dit la Reine, ses yeux
tombant tout soudain sur moi, who is this [60]  ?
    À quoi Lady Markby se penchant, lui
murmura quelques mots à l’oreille.
    — Approchez, Monsieur le
Chevalier de Siorac, dit la Reine.
    Ce que je fis, mes gambes sous moi
si tremblantes que m’agenouillant devant elle, je doutai que je pusse les
maîtriser assez pour me pouvoir relever. M’ayant considéré un moment fort curieusement,
la Reine me tendit sa main que je baisai, après quoi, par une soudaine
impulsion, elle me la tendit derechef, et tandis que

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