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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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épaule sa douce épaule rondie, je
l’envisageai avec ravissement et une sorte de connivente amitié, ému dans le pensement
qu’elle m’eût aimé peut-être, si ses obligations et les miennes n’y avaient été
contraires. Ha ! lecteur ! Au lieu de nous remochiner contre une
femme qui nous refuse, combien nous devrions, bien au rebours, lui savoir gré
de sa vertu (si du moins c’est de par elle qu’elle nous rebèque), laquelle nous
la devrait faire chérir d’autant qu’elle est plus rare en ce siècle et nous
donne de son sexe un pensement plus déférent.
    — La Reine, me dit my Lady T,
tandis que nous étions à table en ce logis, affairés à gloutir un léger souper,
est tant royale en la salle du trône qu’elle est affable en son privé, étant
raffolée de donner à ses ministres des surnoms, appelant Leicester ses « yeux », Hatton « s es paupières  », et Walsingham « le maure  ».
Le défunt frère du Roi votre maître, le Duc d’Alençon, qu’elle aimait prou sans
se résoudre toutefois à le marier, pour ce qu’il était catholique, elle l’avait
surnommé «  ma grenouille  », et son ambassadeur privé, le
charmant M. de Simier « mon singe ».
    — Pourquoi, dis-je,
appelle-t-elle Walsingham le « maure » ?
    — Pour ce qu’il est tant noir
de poil et de cheveu qu’on dirait qu’il est né en Alger. Vous le trouverez
effrayant assez, puisque vous l’allez encontrer.
    À cet instant, il y eut quelque
noise dans l’antichambre et la chambrière introduisit la dame à la bague,
laquelle, si bien on se ramentoit, m’avait désommeillé le 22 au matin au Pope’s Head Tavern.
    — Monsieur le Chevalier,
dit-elle, l’heure est venue (mon cœur cognant à ses mots contre mes côtes).
Plaise à vous de mettre ce masque.
     
     
    Quand celui-ci me fut ôté quelques
minutes plus tard, je me trouvais dans la salle du trône, non de Richmond, mais
d’un autre palais dont je ne saurais dire le nom, laquelle salle les Anglais
appellent the Presence Chamber, expression qui me paraît idoine, pour ce
qu’elle attire l’attention non sur le trône, mais sur la présence du souverain,
laquelle, même lorsqu’il en est absent, y est cependant vénérée. Ce que je vis
bien à observer le manège des serviteurs qui mettaient la table pour la Reine,
apportant l’un après l’autre la nappe, le sel, l’assiette, le couteau, le vin,
et chacun, à son arrivée comme à son département, s’agenouillant trois fois
devant le dais comme si Elizabeth eût été là. Ces cérémonies ne furent pas sans
allonger quelque peu l’affaire, et ce qui les allongea plus encore fut la
fonction de la dame goûteuse ( the lady-taster), laquelle, quand les
plats arrivèrent, n’eut pas, au rebours de ce que pense le lecteur, la fonction
de goûter chaque plat pour prévenir l’empoisonnement de Sa Majesté, mais d’en
distribuer à cette fin quelques morceaux aux serviteurs qui se trouvaient là.
Coutume que ceux-là semblaient tenir à grand honneur, si périlleuse qu’elle fût
pour eux.
    Cette précaution ayant été prise
pour tous les plats et personne n’ayant péri, je m’attendais à ce que la Reine
apparût, mais à sa place entra un huissier géantin porteur d’une baguette de
jonc à bout et embout dorés, lequel précédait un essaim de jeunes et jolies
chambrières en des robes plus colorées que l’arc-en-ciel, lesquelles s’emparant
de tout ce qui s’encontrait sur la table, y compris la nappe et le couvert,
virevoltèrent vivement en leurs amples vertugadins et disparurent par où elles
avaient sailli. J’augurai que la Reine prenait son souper en son appartement
privé et me préparai à attendre une grosse heure, quand moins de dix minutes
plus tard, le géantin huissier à la baguette me vint quérir, me disant que Sa
Majesté avait fini sa repue et me voulait voir. Ce qui me fit supposer,
supposition que Lady T confirma plus tard, que la Reine, au rebours de son
père Henri VIII, lequel était excessivement raffolé du vin, des viandes et
des femmes, mangeait peu et buvait moins encore. Quant aux hommes, combien
qu’elle se fît appeler «  la Reine vierge  », et qu’elle fût
sous ce nom célébrée par ses poètes, il ne semblait pas, d’après ce que j’ai
ouï, qu’elle fût si abstinente en la matière qu’elle eût voulu le faire
accroire à ses sujets et à son siècle.
    Encore que depuis mon arrivée à
Londres, j’eusse quasi

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